Le Figaro Magazine

Le match : CFDT vs CGT

- VÉRONIQUE GROUSSET

La nouvelle est officielle depuis le 31 mars dernier : après compilatio­n de tous les scrutins organisés dans les entreprise­s entre 2013 et 2016, la CFDT se retrouve pour la première fois devant la CGT, au premier rang des syndicats choisis par les salariés du secteur privé pour les représente­r. Ou, plus exactement, choisis par un tiers d’entre eux : quelque 5,2 millions de votants sur 18 millions de salariés. Un taux de participat­ion qui constitue toutefois un record, étant donné la faible audience des syndicats en France : 11 % d’adhérents seulement (en comptant très large, retraités compris), dont 20 % dans le secteur public et 9 % dans le secteur privé. Une défaite majeure pour la CGT. D’autant qu’elle survient après l’échec du violent combat que ses troupes ont mené en 2016 contre la loi El Khomri, accusée de chercher à contourner la résistance des syndicats conservate­urs en instituant la suprématie des accords d’entreprise sur les accords de branche. Les syndicats réformiste­s peuvent désormais modifier le temps de travail au sein de leur propre entreprise pour peu qu’ils y aient recueilli 50 % des suffrages, et ils pourront bientôt le faire sur d’autres thèmes (salaires, organisati­on du travail) avec 30 % des voix, sous réserve d’un référendum interne. De quoi tendre encore un climat social inhabituel­lement fébrile pour un entre-deux-tours présidenti­el : des ouvriers de l’usine Whirlpool d’Amiens aux internes en médecine en passant par les éboueurs qui refusent de travailler 35 heures et les patrons d’auto-école qui protestent contre l’ouverture de leur métier à la concurrenc­e, les conflits sont d’ores et déjà trop nombreux pour être apaisés avec autant d’argent que celui dépensé pour la Guyane. Et, dans huit jours – que le défilé du 1er mai ait été unitaire ou pas –, l’alliance anti-FN de la CGT et de la CFDT ferait long feu en cas d’une victoire d’Emmanuel Macron. La CGT reviendrai­t alors sans doute à sa stratégie favorite : user de son pouvoir de nuisance en paralysant le pays avec une poignée de militants qui ne songent qu’à défendre leurs rentes et positions acquises, au mépris des libertés et de la sécurité profession­nelle du plus grand nombre. Mais c’est justement là que la récente avancée de la CFDT pourrait peser ; au moins autant que la déterminat­ion du futur occupant de l’Elysée à engager des réformes structurel­les. Pouvoir compter sur le soutien et les conseils d’un syndicat réformiste ne sera pas du luxe pour réussir à gérer un quatrième tour social potentiell­ement dévastateu­r.

 ??  ?? Philippe Martinez.
Philippe Martinez.
 ??  ?? Laurent Berger.
Laurent Berger.

Newspapers in French

Newspapers from France