MOBUTU, LE TYRAN QU’ON AIMAIT DÉTESTER
★★★ MOBUTU, de Jean-Pierre Langellier, Perrin, 432 p., 24 €.
Pendant plus de trois décennies, l’Occident a fermé les yeux et s’est bouché les oreilles à son sujet : dictateur sanguinaire, cupide, mégalomane et paranoïaque, le maréchalprésident Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko (surnommé
« Sesesescu ») incarnait un rempart à l’expansion du communisme en Afrique centrale. De Bruxelles à Washington, on s’accommodait sans trop de peine de ce César tropical proaméricain propriétaire de mines de cuivre si généreuses. Choyé par la CIA depuis ses premiers pas dans le journalisme à l’époque du Congo belge (avant 1960), n’hésitant pas à s’appuyer sur des mercenaires blancs pour combattre rebelles katangais, maoïstes ou simbas, l’homme à la toque de léopard fit illusion jusqu’à la chute du Mur. Dans une biographie remarquable en tout point – riche, documentée, précise, vivante, équilibrée –, JeanPierre Langellier retrace les mille vies d’un tyran non dénué d’humour, de finesse et de culture, qui gâcha par sa folie orgueilleuse le destin d’un pays dont les richesses immenses auraient pu accoucher d’une nation émergente voire prospère. Mais la complexité ethnique de la mosaïque zaïroise aurait-elle souffert l’instauration d’une démocratie apaisée sur le modèle européen ? Le chaos politique et humanitaire qui a succédé à son départ pathétique du pouvoir en 1997 laisse furieusement penser le contraire. JEAN-CHRISTOPHE BUISSON