L’éditorial de Guillaume Roquette
Cela restera comme une des surprises de ce scrutin présidentiel qui n’en aura pas été avare : le front républicain n’a pas tenu. Du ralliement officiel de Nicolas Dupont-Aignan à Marine Le Pen jusqu’aux « finasseries » dénoncées par Alain Juppé chez plusieurs dirigeants des Républicains, les brèches se sont multipliées dans le mur de l’opposition sans condition au FN. La palme revenant sans doute à Jean-Luc Mélenchon, qui a refusé jusqu’au bout de dire ce qu’il ferait dimanche dans l’isoloir. Son camp ne s’en est d’ailleurs pas offusqué outre mesure, et ses partisans de la France insoumise l’ont même approuvé. Quels cris n’aurait-on pas entendus chez nos belles consciences si François Fillon ou Nicolas Sarkozy avaient campé sur une telle position ?
Malgré des sondages qui le donnaient très largement gagnant en début de semaine, Emmanuel Macron a choisi de présenter une hypothétique victoire de son adversaire comme un danger pour la République et la démocratie, convoquant l’histoire de France à la rescousse. Point n’est besoin pourtant d’aller chercher si loin quand il existe des raisons objectives d’écarter le vote Le Pen. On en a exprimé un certain nombre ici même la semaine dernière, auxquelles on pourrait ajouter ses dernières déclarations - proprement incompréhensibles - sur une éventuelle sortie de l’euro, qui conditionne pourtant l’essentiel de son programme économique.
Ce qui est certain en tout cas, c’est que l’augmentation de 100 milliards des dépenses publiques promise par la candidate du FN et la hausse inéluctable des taux d’intérêt qu’entraînerait le retour au franc conduiraient le pays droit dans le mur. Plombée par une dette vertigineuse, étouffée d’impôts, l’économie française serait ruinée par une telle aventure.
Cette présidentielle a révélé des fractures dont on ne mesure pas encore combien elles vont fragiliser la société française. Quand Marine Le Pen arrive en tête au premier tour dans 19 000 communes sur 36 000, quand Jean-Luc Mélenchon réunit trois fois plus de voix que le candidat socialiste, la question n’est plus de savoir si les Républicains ou le PS vont survivre, mais si le pays sera encore gouvernable demain. D’autant que le président élu, et tout indique que ce sera Emmanuel Macron, n’est absolument pas certain de bénéficier d’une majorité parlementaire cohérente. Raison de plus pour qu’il se concentre sur l’essentiel. Si les votes extrêmes ont pris une telle ampleur au premier tour, c’est d’abord parce que les partis de gouvernement, de gauche comme de droite, n’ont pas osé réformer vigoureusement le pays, contrairement à ce qui s’est passé partout ailleurs en Europe, rendant impossible un redémarrage de l’économie et suscitant une terrible désespérance sociale. Le quinquennat de François Hollande se termine sur deux chiffres qui se passent de commentaire : une croissance anémique au premier trimestre (0,3 %) et une nouvelle hausse du chômage en mars. La rupture, c’est maintenant ?
L’ÉCONOMIE FRANÇAISE NE SUPPORTERAIT PAS LE PROGRAMME DE MARINE LE PEN