CETTE DÉMOGRAPHIE QUI COMMANDE TOUT
On ne fait rien, on laisse dériver les déficits, les emplois publics, les cotisations retraites, etc., et Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen seront à coup sûr au second tour la prochaine fois. « Il n’y a pas de politique qui vaille, disait de Gaulle, qui ne se fonde sur la réalité. » Mais cette réalité, on n’en parle pas (trop sensible !), c’est la démographie. Pourtant, elle commande tout. Alfred Sauvy, en son temps, avait tout vu venir. Jacques de Larosière, l’ancien directeur du FMI, ancien gouverneur de la Banque de France, relève le flambeau : il décrit les « lames de fond » qui se rapprochent * – ces projections démographiques qui décrivent le monde à venir avec vingt ou trente ans d’avance.
Que disent-elles ? Que le taux de fécondité du monde occidental s’effondre, et que le vieillissement de nos populations s’accélère. Ce n’est pas neutre : l’Allemagne remplace les naissances qui lui manquent par les migrants qui arrivent ; la France conserve un taux de fécondité relativement élevé à cause de sa propre population immigrée. La Commission européenne, citée par Larosière, estime que la population active de l’Union va baisser de 48 millions d’ici à 2050, tandis que sa population âgée augmentera de 58 millions… La démonstration de Larosière est implacable : le vieillissement ne pèse pas seulement sur les systèmes de retraite et les comptes sociaux, il affaiblit aussi notre capacité d’innovation (en réduisant le nombre des jeunes actifs) et conduit à éviter de prendre des risques (épargne de précaution plutôt que d’investissement)… Alors, on s’endette et on reste chez soi ?
Ce n’est pas tout. Car la charge du vieillissement se combine aux effets de la mondialisation. Là aussi, la réduction des écarts entre pays riches et pauvres, positive, est contrariée par l’augmentation sensible des inégalités au sein des pays eux-mêmes, ce qui entraîne la révolte des victimes, classes moyennes et populaires (d’où les votes Le Pen et Mélenchon). Mais comment combattre ces effets négatifs ? Par une politique de réforme audacieuse, plaide Larosière, seule créatrice de richesses et de productivité. C’était hélas le programme de Fillon. Il ne reste qu’à le relever…
* Les lames de fond se rapprochent, Odile Jacob, 178 p., 19,90 €.
Cette réalité dont on ne parle pas parce qu’elle est trop sensible, c’est la démographie