Le Figaro Magazine

DENIS TILLINAC “MOI, JE CHOISIS L’ABSTENTION !”

Aujourd’hui, ils sont toujours en désaccord sur tout : l’attitude

- ALAIN MINC

la position de Laurent Wauquiez, et c’est aussi la mienne. Ceux qui votent Macron dès maintenant admettent leur appartenan­ce à son « progressis­me ». A tous les autres, je dis : l’abstention est la seule position cohérente.

Donc, vous demandez tout simplement que la droite se coupe en deux…

Denis Tillinac – J’ai toujours été hostile à la création de l’UMP en 2002. Il y a deux droites en France, et l’UMP n’a pas réussi à en faire la synthèse. Aujourd’hui, la droite libérale « libertaire » peut rejoindre Macron. Mais il y a une autre droite, attachée à la mémoire longue, à un certain respect des traditions, à la protection de la famille, à un refus du multicultu­ralisme, à un minimum de souveraini­sme. Cette droite-là était en train de gagner dans les esprits. L’échec de Fillon ne peut signifier sa fin. Tout un mouvement intellectu­el a fait litière des présupposé­s soixante-huitards. Il n’est pas soluble dans le macronisme.

Alain Minc – Pourquoi supposer que le vote Macron signifie pour les électeurs de droite une adhésion à tout ce que représente Macron ? C’est absurde. L’attitude intelligen­te de la droite c’est : « je vote Macron et je fais tout pour lui imposer une majorité de droite aux législativ­es ». Car je pense que votre camp a toutes les chances d’obtenir le principal groupe de l’Assemblée. Il aura sans doute du mal à atteindre la majorité absolue pour imposer une cohabitati­on, mais il peut être le chef de file d’une coalition de gouverneme­nt. Quant à l’esprit de la Ve que vous invoquez, nous y sommes ! Si Macron est élu, il se retrouvera dans une situation semblable à celle de 1958. A l’époque, de Gaulle avait gouverné avec une majorité composite jusqu’en 1962.

Denis Tillinac – Ce fut une parenthèse dans une période troublée. Et de Gaulle s’imposait aux forces politiques par son charisme et son autorité. Emmanuel Macron n’est pas de Gaulle.

Je ne crois pas en la pertinence des coalitions en France. Elles sont bien vécues en Allemagne, ou ailleurs, mais chez nous le clivage droite-gauche est plus enraciné. Il nous faut des alternance­s claires. Sinon, ça va se terminer dans la rue. C’est pour cette raison qu’une victoire de la droite aux législativ­es, très improbable, ne réglerait rien. Les cohabitati­ons offensent l’esprit de la Ve. Les trois précédente­s ont produit beaucoup de confusion et d’immobilism­e. Je ne sais pas si Macron obtiendra la majorité dont il a besoin pour mener sa politique mais, s’il doit s’appuyer sur d’autres groupes, qu’il le fasse avec les restes du PS et le marais centriste, pas avec la droite.

N’y a-t-il pas désormais un gouffre entre la France de Macron et toutes les autres ? Alain Minc – Il y a en effet au moins deux France, et je souscris au diagnostic posé par des géographes comme Christophe Guilluy. Il est évident que la France de Macron va mieux que celle de Le Pen et Mélenchon. Mais je refuse l’idée que l’une des deux France soit considérée comme la seule incarnatio­n du peuple ! En 2005, les 45 % qui ont voté pour le oui à la Constituti­on européenne ne sont pas que des inspecteur­s des Finances, des banquiers, des experts, etc. →

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Denis Tillinac pense que la droite ne saurait oublier la « fracture sociale », comme en 1995.

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