Le Figaro Magazine

UNE CHAÎNE DE CIMES BLEUTÉES QUI COUVRE 60 % DU PAYS

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→ de 2 millions d’années. Au fond des mares, l’eau mijote comme dans les casseroles de Raohe Street. Une petite marche mène au mont Qixing, modeste sommet de 1 120 mètres qui domine la mer de Chine et les collines bosselées du parc. Plus à l’est, le mont Keelung, un autre ancien volcan, fut le théâtre d’une ruée vers l’or qui culmina en pleine période japonaise, de la fin du XIXe siècle aux années 1930. La petite ville de Jiufen, amphithéât­re perché face à la mer, prospéra puis déclina lorsque l’exploitati­on des mines cessa. On l’oublia jusqu’à ce que le cinéaste Hou Hsiao-hsien y tourne La Cité des douleurs, lion d’or à la Mostra de Venise en 1989. Avec ses vieilles demeures en bois et ses ruelles pentues illuminées de lanternes dès la tombée de la nuit, Jiufen est devenue l’un des sites les plus photograph­iés de Taïwan. Une ville luciole brillant de mille feux sur la montagne exsangue d’or. Reste à partager ce magot avec les foules de visiteurs, coups de coude et perches à selfie inclus. Dans un pays comptant l’une des plus fortes densités de population du monde (636 habitants au kilomètre carré), s’extraire de la foule est un art martial dont on ne sort pas souvent vainqueur… à moins de se lever tôt.

Le Sun Moon Lake, au coeur de l’île, mérite un tel effort. Le soleil y a rendez-vous avec la lune puisque sa forme rappellera­it, vue du ciel, celle des deux astres. Les montagnes couvertes d’une forêt touffue lui font un bel écrin. Il n’en faut pas plus pour attirer les couples en lune de miel de tout le pays. Des bateaux sillonnent le lac à toute heure, emmenant les visiteurs jusqu’à l’un des temples de la montagne Cinglong, en forme de dragon. A son sommet, Tchang Kaï-chek fit ériger une pagode de neuf étages en mémoire de sa mère. De l’autre côté du lac, les jeunes couples attachent à l’aide d’un fil rouge des médailles dorées au temple de Long Fong, dédié au « vieillard sous la lune », personnage censé aider les alliances matrimonia­les. Le lac nuptial ne retrouve sa quiétude que le soir, et plus encore à l’aube. Il faut alors s’asseoir pour contempler en silence le jeu du brouillard au-dessus du miroir d’eau. Les nuages cotonneux dévoilent les formes, couvrent et découvrent les épaules des montagnes, révèlent les carrelets des pêcheurs, pareils à des araignées d’eau. On tremble à l’idée qu’une bise vienne froisser ce décor d’estampe japonaise.

Plus au sud, la montagne d’Alishan invite à une contemplat­ion tout aussi atmosphéri­que : celle de la mer de nuages. A l’aurore, un petit tortillard grimpe jusqu’au belvédère du mont Zhushan. Les touristes asiatiques viennent y admirer le lever de soleil au-dessus du Yushan (« montagne de jade »), point culminant de Taïwan (3 952 mètres). Les autres préfèrent contempler les nappes de nuages qui inondent la vallée d’Alishan. La chaîne de cimes bleutées, qui couvre 60 % du pays, rappelle le caractère profondéme­nt montagneux de l’île. Dans ces hauteurs poussent des cyprès millénaire­s, certains atteignant plus de 3 000 ans. Ceux de la forêt nationale d’Alishan furent en partie coupés par les →

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 ??  ?? Au-dessus des cyprès millénaire­s de la forêt d’Alishan, dans le centre de l’île, le belvédère de Zhushan domine la fameuse mer de nuages. A gauche, récolte du fameux thé Oolong. Il se déguste comme un grand vin, à l’issue d’un cérémonial pointilleu­x.
Au-dessus des cyprès millénaire­s de la forêt d’Alishan, dans le centre de l’île, le belvédère de Zhushan domine la fameuse mer de nuages. A gauche, récolte du fameux thé Oolong. Il se déguste comme un grand vin, à l’issue d’un cérémonial pointilleu­x.

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