Le Figaro Magazine

Livres/Le livre de Frédéric Beigbeder

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★★★ LA PLACE FORTE, de Quentin Lafay, Gallimard, 239 p., 18 €.

C’est un homme qui marche dans la nuit. Seul. Plus seul peut-être que quiconque puisse l’être. Il vient de quitter un emploi qu’il n’occupait que depuis six jours. Béranger Thérice n’est plus ministre des Finances et des Comptes publics et lui seul le sait encore. On dira qu’il n’aura pas voulu assumer la volonté du président de la République de sortir de l’euro, on louera sa force d’âme et de caractère. Nul n’expliquera, pas même le principal intéressé, que la politique monétaire est peut-être moins en cause qu’une femme ; une femme que Béranger n’aura pas su garder. Voilà pourquoi Monsieur le ministre est seul, voilà pourquoi aussi, il est cruellemen­t libre.

S’ils auront mis le temps, les écrivains français semblent enfin avoir compris qu’il n’est de politique que du roman ni de meilleur personnage que le pouvoir, son épuisante quête. Rien que ces dernières semaines, Cécile Guilbert, Aurélien Bellanger ou Baptiste Rossi ont chacun donné corps à ces liaisons dangereuse­s et fructueuse­s. Il faudra à ces noms rajouter celui de Quentin Lafay. Son premier roman, La Place forte est une impression­nante réussite. Certes, ce jeune homme, familier des contre-allées du pouvoir, sait de quoi il parle (il remercie à la fin de son livre un certain Emmanuel M. dont on s’est laissé dire qu’il a été le maître de Bercy avant d’accéder depuis peu à de plus prestigieu­ses fonctions encore), mais justement le prix de son beau roman crépuscula­ire est de ne pas parler, de s’abstraire de tout bavardage. On ne saura peut-être jamais quel aurait été le projet pour la France de Béranger Thérice, celui de Quentin Lafay est plus ambitieux encore : il est littéraire.

OLIVIER MONY

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