Livres/Le livre de Frédéric Beigbeder
Comme chaque année, en grand professionnel, notre logiciel a absorbé les 300 livres d’août en une semaine, afin d’offrir aux lecteurs ébahis de ce magazine un panorama exhaustif et concis de la rentrée prochaine, avant que nos confrères laborieux ne prennent le relais en transpirant tout l’été. Incontestablement, Monica Sabolo peaufine son style fantomatique dans Summer (JC Lattès), enquête d’un frère sur sa soeur disparue depuis vingt-cinq ans. Ce suspense mélancolique confirme le charme de cette romancière :
Crans-Montana n’était pas un accident. Simon Liberati et Eva Ionesco, reporters fashion de la NRF et époux dans la vie, publient simultanément deux textes autobiographiques sur leurs pères. Il ne faut pas chercher à les départager : puisque tel est leur but pervers, ne leur accordons pas ce plaisir. Contentons-nous de déguster avec gourmandise Les Rameaux noirs de Liberati (Stock) et Innocence d’Ionesco (Grasset). Chez Gallimard, Eric Reinhardt raconte une guerre entre l’art et le cancer. On craint de deviner qui aura le dernier mot dans La Chambre des époux. Chez Flammarion, Grégoire Bouillier écrase la rentrée de tout son poids : son Dossier M de presque 2 000 pages prend le risque de l’exhaustivité pour disséquer une histoire d’amour sous toutes ses coutures, et sans montage. Dans
Notre vie dans les forêts, Marie Darrieussecq ima- gine une tribu d’humains cachés dans la nature. C’est Vernon
Subutex 3 mélangé à la fin de
Fahrenheit 451 : son grand retour à la science-fiction (on l’attendait depuis
Truismes) est une réussite. Chez notre ministre de la Culture, pardon, chez Actes Sud, Lola Lafon s’attaque à l’affaire Patricia Hearst : kidnappée en février 1974, elle devint terroriste aux côtés de ses ravisseurs. Son syndrome de Stockholm en était-il vraiment un ? Lorsque j’ai posé la question à sa soeur Anne Hearst, l’épouse de Jay McInerney, elle m’a répondu d’un mot : « brainwashed ».
Parmi les premiers romans, j’ai souri en ouvrant
Faux départ de Marion Messina (Le Dilettante), qui commence par cette phrase : « Alejandro s’était réveillé avec la bouche sèche et la mi-molle des matins maussades. » Le naturalisme a la peau dure, et cette love story estudiantine renoue avec le ton démobilisé d’Extension du domaine de la lutte. Ce survol trop succinct n’a pour but que de vous mettre l’eau à la bouche. Que les 292 auteurs non cités ici n’en prennent nul ombrage : ils n’avaient qu’à publier à une autre date. La rentrée littéraire est un jeu cruel, où il y a beaucoup d’appelés et peu de lus.