L’éditorial de Guillaume Roquette
Depuis le début de l’année, plus de 100 000 migrants sont arrivés en Europe par la Méditerranée. Plus de 2 000 se sont noyés. Ce drame humanitaire, auquel nos coeurs blasés de téléspectateurs se sont bien vite habitués, va bientôt se doubler d’une crise politique : l’arrivée massive de clandestins n’est plus gérable pour les pays d’arrivée que sont l’Italie et la Grèce. Totalement débordé, le ministre italien de l’Intérieur vient ainsi d’en appeler à l’ouverture des ports des autres pays riverains de la Méditerranée. Cette demande est cohérente avec la politique, menée par Bruxelles et l’ONU depuis le début de cette crise, consistant à ventiler les arrivants dans toute l’Union européenne. Mais l’accepter serait une erreur grave.
Multiplier les points d’entrée maritimes de Barcelone à Marseille ne ferait qu’accroître encore le flux, selon la règle hélas avérée de l’appel d’air. La seule solution est de ramener à leur lieu de départ, le plus souvent en Libye, ces migrants qui n’ont pas leur place en Europe. L’immense majorité d’entre eux n’est en effet pas éligible au droit d’asile. Ils ne viennent ni d’Irak ni de Syrie mais de pays africains sous-développés. Ils profitent (même si le verbe est mal choisi pour ces malheureux venus chercher un sort meilleur) de l’ouverture des frontières européennes voulue par Angela Merkel pour accueillir les victimes de l’Etat islamique. Edouard Philippe a promis mardi devant l’Assemblée que le délai d’instruction des demandes d’asile serait ramené à six mois, contre plus d’un an aujourd’hui. Mais on sait bien que les immigrants déboutés disparaissent dans la nature et ne sont presque jamais expulsés. Et le problème n’est pas spécifiquement français. Partout en Europe,
« trop peu de migrants sont rapatriés », reconnaissait cette semaine le responsable du dossier à la Commission. C’est donc avant leur entrée sur le continent qu’il faut choisir ceux qu’on laissera entrer.
Est-il immoral de refuser d’ouvrir ses portes aux migrants économiques ? Pour des personnes privées, peut-être, mais les Etats ont des devoirs qui ne sont pas ceux des particuliers. On peut entendre le Premier ministre polonais quand il déclare, pour justifier la fermeture de ses frontières nationales : « Nous n’avons pas exploité les pays d’origine de ces réfugiés qui viennent en Europe ces jours-ci. Nous n’avons pas exploité leur main-d’oeuvre, et nous ne leur avons pas demandé de venir en Europe. Nous avons le plein droit moral de dire non. »
Plus qu’un droit, c’est surtout une nécessité. L’argument selon lequel ces nouveaux immigrés seraient assimilables en raison de leur nombre limité fait fi de l’historique des flux migratoires en Europe, en particulier dans notre pays. 65 % des Français considèrent aujourd’hui, selon la dernière enquête « Fractures françaises » conduite par la Fondation Jean-Jaurès et Sciences Po, qu’il y a
« trop d’étrangers » en France et 61 % estiment que,
« d’une manière générale, les immigrés ne font pas d’effort pour s’intégrer ». Ce rejet est le résultat de décennies d’immigration inassimilée. N’aggravons pas les tensions.
L’EUROPE EST FONDÉE À CHOISIR LES MIGRANTS QU’ELLE VEUT LAISSER ENTRER