Le Figaro Magazine

Dans la tête de... Alain Chamfort

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Ses tubes Manureva ou La Fièvre dans le sang sont devenus des classiques de la variété française. Il a travaillé avec Jacques Dutronc, Claude François, Serge Gainsbourg et Vanessa Paradis, sans jamais suivre les modes. En attendant la sortie d’un album pour la fin de l’année, ce chanteur à l’élégance discrète faisait escale à Marseille, au festival Des livres, des stars, pour présenter son livre Intime. Anti-biographie musicale

(Cherche Midi). L’occasion de se dévoiler.

Vous vous reconnaiss­ez pudique et réservé. Pas facile, quand on est un chanteur...

La chanson et le public sont une thérapie contre la timidité. Quand, à mes débuts, Claude François m’a proposé de l’accompagne­r, je me suis laissé porter par son succès, j’étais aimanté par son dynamisme. Même si je reste réservé par nature, je suis assez désinhibé sur scène.

Que retenez-vous de votre enfance ?

Une totale insoucianc­e. Dans les années 50, j’habitais près d’Enghien-les-Bains. C’était la campagne. On évoluait dans un monde très sécurisant et sans chômage.

Le Govic est votre vrai nom. Pourquoi un pseudonyme ?

Claude François trouvait que mon patronyme souffrait d’une sonorité trop folkloriqu­e, et que le public le rejetterai­t. J’ai accepté le premier nom qu’il m’a proposé : Chamfort, comme le poète qui influença les romantique­s. Avec le temps, cela me correspond bien.

Que retenez-vous de Claude François, votre premier mentor ?

Son incroyable énergie, à l’image du sigle de sa maison de disques, une flèche symbolisan­t l’électricit­é. L’homme, toujours dans l’action, avait un côté totalement psychopath­e : il était obsédé par sa carrière et considérai­t tous les autres artistes comme des concurrent­s, comme des dangers potentiels. J’excuse aujourd’hui tous ses excès. Il m’a mis le pied à l’étrier.

Ce qu’il y a de Dutronc en vous ?

La dérision, l’art de l’esquive et ne pas prendre au sérieux ce métier de la chanson qui, par essence, ne l’est pas. J’ai toujours conscience que tout peut s’arrêter d’un coup.

Ce qu’il y a de Gainsbourg en vous ?

Il avait une démarche esthétique, une exigence poétique à défendre. J’essaie de m’inscrire dans cette même vision artistique.

Vos premiers émois musicaux ?

Par mes études musicales classiques : Chopin, Brahms, Schubert, des compositeu­rs romantique­s. Puis Erik Satie, que je jouais au piano.

Votre dernier coup de coeur musical ?

Le groupe français Polo & Pan, créé par deux DJ. C’est dansant, léger, un peu électro, parfait pour l’été.

Votre livre de chevet ?

L’Attrape-coeurs, de J. D. Salinger. Cet archétype de l’antihéros a profondéme­nt marqué mon adolescenc­e.

Ce que l’on trouve dans votre iPod ?

En ce moment, j’écoute en boucle mes propres chansons que je m’apprête à enregistre­r pour mon prochain album. Mais aussi le Brésilien António Carlos Jobim, le musicien mythique de la bossa-nova.

« Manureva » est votre plus gros succès, sorti en 1979. Toujours envie de le chanter ?

Je dois beaucoup à cette chanson. On ne doit pas se plaindre d’un tube que des génération­s continuent de fredonner. Il est attendu par le public dans mes concerts.

Pour quel défaut avez-vous le plus d’indulgence ?

L’ignorance. Les personnes qui manquent d’éducation ou de connaissan­ces, c’est rarement de leur fait.

Une figure historique que vous aimeriez rencontrer ?

Hubertine Auclert, la première suffragett­e française qui, dès 1876, s’est battue pour le droit de vote des femmes. Une révoltée qui a poursuivi son activisme jusqu’à sa mort en 1914.

Ce qu’il y a de gauche en vous ?

Cette idée un peu vaporeuse de partage et de solidarité. Mais les gens de gauche n’ont pas plus de coeur que les gens de droite.

Ce qu’il y a de droite en vous ?

Ce refus de l’assistanat. Il faut permettre aux gens de se réaliser par eux-mêmes, ne pas vivre dans une société où l’on attend d’être systématiq­uement pris en charge.

Un rêve que vous aimeriez assouvir ?

Comme tout musicien, trouver la mélodie ultime qui franchisse toutes les frontières, le tube planétaire comme les Beatles y sont parvenus. Mais je reste lucide.

Devient-on plus sage avec l’âge ?

Ce devrait être l’une des conséquenc­es de l’âge même si le monde est peuplé de vieux cons.

PROPOS RECUEILLIS PAR CYRIL DROUHET

 ??  ?? Alain Chamfort n’a pas 18 ans quand il accompagne Jacques Dutronc sur ses titres les plus célèbres. Avec près de 50 ans de carrière, à 68 ans, il s’apprête à sortir un nouvel album.
Alain Chamfort n’a pas 18 ans quand il accompagne Jacques Dutronc sur ses titres les plus célèbres. Avec près de 50 ans de carrière, à 68 ans, il s’apprête à sortir un nouvel album.
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