Le Figaro Magazine

Les insolences d’Eric Zemmour

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C’est le début de la fin. A Mossoul comme à Raqqa, les défenseurs de Daech croulent sous l’assaut de leurs assaillant­s. L’Etat islamique s’était installé dans ces deux villes pour montrer qu’il ignorait la frontière entre l’Irak et la Syrie, délimitée par le fameux accord Sykes-Picot d’il y a un siècle. Une façon symbolique d’effacer la colonisati­on franco-anglaise et sa prétention à imposer partout la forme européenne de l’Etat-nation. Le combat de Daech est d’abord une prétention au califat, la forme impériale qu’a prise l’Islam dans l’Histoire. Cette ambition de s’inscrire sur un territoire est la grande différence avec l’action déterritor­ialisée et mondialisé­e d’al-Qaida.

La défaite de Daech dans ces deux villes sonnera le glas de son ambition politique. Elle ne mettra nullement un terme à son combat ni au désordre sanglant dans la région. Ses vainqueurs sont trop nombreux. La coalition occidental­e et celle formée par l’Iran et la Russie n’ont pas les mêmes objectifs. A Mossoul comme à Raqqa, ce sont les troupes kurdes d’élite, aidées des conseiller­s américains, qui font le plus mal aux combattant­s du califat. La Turquie ne peut tolérer l’édificatio­n d’un Kurdistan indépendan­t par les armes. Erdogan est prêt à intervenir militairem­ent en Syrie pour arrêter les Kurdes. Que feront les Américains, alliés de ces deux ennemis mortels ? La Turquie sait qu’elle est regardée de travers par ses partenaire­s de l’Otan. Pour ne pas ouvrir trop de fronts à la fois, Erdogan a embrassé la babouche de Poutine et renoncé à renverser Assad. Mais l’Arabie saoudite n’a pas renoncé à combattre le dictateur syrien. Assad et son clan sont pour elle le symbole de l’insupporta­ble présence de l’Iran. L’Arabie saoudite ne peut tolérer cet arc chiite Bagdad-DamasBeyro­uth qui s’est imposé peu à peu, profitant des folles interventi­ons militaires américaine­s et de la puissance de feu des milices du Hezbollah. Cet affronteme­nt entre l’Arabie saoudite et l’Iran va structurer encore longtemps la région. Il explique le soudain blocus du Qatar (ami de l’Iran !) et les bombardeme­nts de l’aviation saoudienne sur le Yémen.

Le Moyen-Orient connaît aujourd’hui une situation qui ressemble à celle de l’Europe du XVIIe siècle, lorsque la querelle religieuse entre catholique­s et protestant­s s’est transformé­e en une guerre totale où toutes les puissances ont fini par intervenir, y compris la France de Richelieu. Cette guerre dura trente ans. Elle ravagea l’Europe, et l’Allemagne y perdit le tiers de sa population.

Le Moyen-Orient connaît sa guerre de Trente Ans. Tout le monde surveille tout le monde. Trump soutient l’Arabie saoudite. La Russie ne lâche pas l’Iran. Les ennemis de mes ennemis deviennent mes amis : Israël, par crainte de l’Iran et du Hezbollah à ses frontières, est en train de devenir le meilleur allié de l’Arabie saoudite. Tant pis pour les Palestinie­ns ! Dans ce grand jeu, le sort de Daech est anecdotiqu­e. Peu importe la structure, les fondamenta­ux de l’Islam demeurent. L’Arabie saoudite continuera de financer dans le monde les mosquées salafistes et l’islam le plus rigoriste de se répandre dans nos banlieues. Le califat est mort, vive le califat !

Le sort de l’EI est anecdotiqu­e. Peu importe la structure, les fondamenta­ux de l’Islam demeurent

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