L’AMOUR SELON EMIR
CHER EMIR KUSTURICA, à quoi reconnaît-on un réalisateur majeur sinon au fait qu’on puisse déceler sa signature dans n’importe quel plan ou séquence d’un de ses films ? Ainsi, qui d’autre que vous pour mettre en scène :
une horloge de gare austro-hongroise mordant ceux qui s’approchent trop près d’elle ;
une poule qui pond des oeufs en se regardant dans un miroir, tandis qu’un épervier danse en bougeant des ailes façon Sidney dans l’émission « H.I.P. H.O.P. » ;
une soirée très arrosée dont les protagonistes (des femmes nues et des paysans barbus) dansent bizarrement au son d’instruments bizarres devant un barman bizarre qui nettoie ses verres avec un sèche-cheveux et un sniper flanqué d’un oeil de verre, juché sur une HarleyDavidson blanche ;
des oies qui plongent dans des baignoires emplies du sang d’un cochon qui vient d’être égorgé ; une femme qui pleure en regardant Quand passent les cigognes de Mikhaïl Kalatozov ;
une vieille Tsigane qui fume en dormant ;
un serpent qui boit du lait pour grandir et sauve les gens en les étouffant ;
un génocide ovin ;
un sniper de l’armée yougoslave qui cite Kant (« la vérité m’a toujours fait souffrir ») ;
Monica Bellucci parlant serbe sans accent ;
des soldats qui ont pour noms de code Socrate ou Homère mais regardent des dessins animés américains débiles entre deux massacres, etc.
Et au milieu de tout cela, dans On the Milky Road (en salles le 12 juillet), un conte sentimental universel, poétique, poignant, merveilleux et tragique où vous formez avec Monica Bellucci le couple le plus improbable et le plus romantique du monde. Hajde !