UN BAL QUI PEINE À EMBALLER
Encore un spectacle qui a besoin d’un mode d’emploi ! Car entre le spectateur qui aura lu ou entendu les propos de la chorégraphe Mathilde Monnier et celui qui arrivera vierge à ce spectacle, la différente de perception sera grande. Pour le premier, une fresque sur l’Argentine ; pour le second, des études sur les danses de ce pays.
En s’inspirant du fameux Bal de Jean-Claude Penchenat – pièce de théâtre, puis film passé à la postérité malgré sa bonne dose d’ennui –, Mathilde Monnier et Alan Pauls ont voulu avec El Baile évoquer l’histoire de l’Argentine. Mais ne vous attendez pas à ce qu’on vous raconte, par la danse et la musique, les tribulations politiques et sociales de ce pays depuis l’arrivée de la dictature en 1976 jusqu’à la transition démocratique de 1983. Il s’agit plutôt d’une esquisse que notre spectateur vierge interprétera comme une série de variations sur toutes les danses encore fort populaires en Argentine (tango, samba…). Car quand on ne parle pas espagnol, et qu’on n’a pas une connaissance fine de cette culture, les références manquent pour comprendre pourquoi tel air symbolise tel événement. Ce « rébus », comme ose le définir Mathilde Monnier, est complété par des chansons, de la musique et une bande-son. Une création difficile, en somme, pour laquelle la chorégraphe a longuement séjourné en Argentine, où elle a choisi une douzaine d’excellents danseurs qui se révèlent aussi être de très bons chanteurs.
Le spectacle est long à démarrer — une vingtaine de minutes pour une mise en place un peu fastidieuse —, avant que la danse, après un roulement de tambour, devienne tonique et réconfortante. Ici, les danses collectives sont autant de représentations d’histoires individuelles, de vécus, des souffrances et des joies d’un peuple soumis aux diktats de la politique et de l’économie. Que les amoureux du tango ne s’impatientent pas : le final réserve une démonstration façon Rockettes du Radio City Music Hall, à laquelle seuls les puristes trouveront à redire. Après sa création au festival Montpellier Danse, ce spectacle d’une heure vingt partira pour une longue tournée la saison prochaine dans une trentaine de villes.