De notre correspondante... Joe Arpaio
L’aube se levait sur cette banlieue nord de Phoenix, quand une escouade de voitures de police déboula soudain, en cet automne 2010. En quelques minutes, une vingtaine de policiers en sortirent pour investir une entreprise de production d’emballages et y appréhender des ouvriers clandestins. Au milieu d’eux se tenait le vieux Joe Arpaio, large visage, bedaine en avant. Visiblement avide de publicité, il se précipita vers les micros des rares journalistes présents. « Les autres s’indignent, moi j’agis », lança le shérif anti-immigration illégale le plus controversé d’Amérique, heureux d’assumer sa réputation de « flic le plus impitoyable du pays ». « J’espère que vous n’allez pas vous laisser gagner par le poison politiquement correct de vos confrères », ajouta-t-il, expliquant que ses hommes avaient arrêté cinq ouvriers en situation irrégulière sur les onze présents dans l’entreprise. Il souligna qu’ils avaient volé des cartes de sécurité sociale. « Usurpation d’identité, c’est grave. On devrait me donner une décoration pour avoir libéré des places au profit des travailleurs américains, au lieu de m’accuser de racisme », ajouta le shérif, goguenard.
Pendant vingt-quatre ans, son bagou de cow-boy paternaliste prêt à « protéger les honnêtes gens » et arrêter sans relâche les clandestins dans un Etat d’Arizona en proie à une immigration illégale massive, ont valu à Joe Arpaio d’être régulièrement réélu avec des scores écrasants à son poste de shérif du comté de Maricopa, malgré ses méthodes provocatrices. Partisan de la fermeté, volontiers populiste et mégalo, ce fils d’immigrés italiens qui arborait sur ses cravates des épingles en forme de colt, avait créé dans le désert de Phoenix une prison à ciel ouvert,
Condamné par un juge fédéral, mais gracié par Trump
où les prisonniers dormaient sous de simples bâches par une canicule de 45 à 50 °C, parce qu’il ne voulait pas qu’ils aient « de meilleures conditions de vie que les soldats américains en Irak, qui risquent leur vie et n’ont pas enfreint la loi ». Arpaio forçait aussi les détenus à porter des caleçons roses, pour les décourager de récidiver. « Je sais qu’ils détestent le rose mais je ne suis pas là pour leur faire plaisir. Mon but est de tout faire pour qu’ils n’aient pas envie de se retrouver en taule à nouveau » se défendait-il, hilare. Un comportement qui lui avait créé une armée de fans dans le monde rude de l’Ouest américain ; mais aussi des ennemis de plus en plus nombreux au Parti démocrate et dans les rangs de la minorité hispanique, qui l’accusait de délit de faciès.
Décrié, traîné en justice maintes fois, Arpaio a longtemps paru insubmersible, à la manière d’un Donald Trump, malgré toutes ses casseroles. A l’été 2015, il devenait d’ailleurs l’un des premiers à soutenir la candidature présidentielle du turbulent milliardaire, sillonnant le pays pour son compte, tandis que le candidat républicain envoyait son avion privé pour faire transporter et soigner la femme de son ami shérif, atteinte d’un cancer. Trump a « bon coeur », nous confiait Arpaio en juillet 2016, avant d’intervenir devant la convention d’investiture républicaine de Cleveland, pour le soutenir. Les deux hommes étaient faits pour s’entendre. Rebelles, durs au mal, pourfendeurs du politiquement correct, se moquant des us d’une classe politique washingtonienne perçue comme une bande de dégonflés. Mais, alors que Donald Trump raflait la présidence en novembre 2016, Joe Arpaio échouait à se faire réélire à un septième mandat, la communauté hispanique se mobilisant massivement pour le faire chuter. Condamné par un juge fédéral qui l’a déclaré coupable d’avoir ignoré maintes décisions judiciaires l’enjoignant de cesser ses raids contre les illégaux, Arpaio risquait jusqu’à 6 mois de prison, mais il a été sauvé in extremis par son ami, qui a décidé de le gracier fin août malgré un torrent de critiques. « Joe Arpaio est un patriote qui croit aux frontières et a été injustement sali par ses ennemis lors d’une campagne vicieuse », a justifié Trump. Requinqué, le shérif de 85 ans vient de confier au Washington Examiner qu’il rêvait de se présenter… au Sénat.