OLIVIER BERROUET “LE SITE AVANT L’HUMAIN ”
Le directeur de Pétrus, à Pomerol, évoque la renommée tardive des cuvées de la rive droite.
Le Figaro Magazine – Qu’est-ce qui a fait la renommée de la rive droite, reconnue bien plus tard que la rive gauche ? Olivier Berrouet – Différents vecteurs ont permis d’accroître la renommée de l’appellation et de la rive droite dans son ensemble. Historiquement, la rive droite a été exclue des classements car la place de Bordeaux ne distribuait pas ses vins et n’en avait pas connaissance. Pour les marchés traditionnels des grands vins de Bordeaux, elle était mise de côté. Paradoxalement, sa réputation s’est d’abord construite à travers les marchés étrangers. Jean-Pierre Moueix a été l’un des premiers négociants à aller vendre ses vins en Angleterre et aux EtatsUnis. Ce n’est que par répercussion que, dès la fin des années 1970, les amateurs français se sont intéressés aux vins de la rive droite, pour qu’ils soient aujourd’hui complètement assimilés aux grands crus classés de la rive gauche.
Et de Pétrus ?
La qualité des vins et des sites sont les premiers vecteurs, ils soutiennent la renommée commerciale. Quand Mme Loubat achète des parts de Pétrus, dans les années 1920, elle se révèle être une communicante extraordinaire. Elle a contribué au lien avec la famille d’Angleterre, notre vin ayant été servi au couronnement d’Elisabeth II. Ce vin était paraît-il l’un des préférés de JFK. Cela fait partie des anecdotes, rapportées des Etats-Unis, qui sont encore bien présentes pour les Américains et qui ont participé à apporter un coup de projecteur supplémentaire sur Pétrus.
Pétrus est un domaine souvent jugé à part. Quels sont les éléments de sa particularité ?
C’est une combinaison unique au monde. La singularité de son site repose sur la nature de ses argiles et sur son encépagement composé à 100 % de merlot. N’avoir qu’un seul cépage fait que nous n’avons aucune échappatoire, que nous devons faire preuve d’une sincérité absolue, d’autant plus que c’est un site qui exige une immense rigueur. Monoterroir et monocépage, nous sommes dans quelque chose d’animal, dans une forme de pureté. Nous ne souhaitons pas imprégner nos vins de nos connaissances ou de technique, car l’histoire se répéterait et nous aurions des vins qui se ressembleraient, ce qui serait ennuyeux. Nous accompagnons plus que nous guidons. Nous sommes tributaires de la réaction de nos merlots sur nos argiles, des terroirs capricieux qui sous certaines conditions nous récompensent, car ils apportent fraîcheur et suavité à un cépage qui, par nature, n’a pas la complexité des cabernets. L’argile sublime le merlot en lui donnant la structure et la chair qu’il peut difficilement obtenir sur d’autres types de sols. La majorité des grands vins de Bordeaux sont animés par cette même philosophie : le site avant l’humain.
Pétrus n’a aucune présence digitale. Pas de site internet, pas de réseaux sociaux, presque jamais d’interviews. Est-ce pour respecter la définition première du luxe et la rareté qui y est associée que vous parlez si peu ?
Nous souhaitons être jugés pour no- tre vin et non pour la communication que nous ferions autour de lui. Nous avons parfois l’impression que l’on peut un peu trop se dévoiler, alors nous préférons être discrets. Nous ne communiquons donc qu’à titre exceptionnel.