Le Figaro Magazine

“CET ENDROIT A UNE ÂME”

Le copropriét­aire de Mouton Rothschild, à Pauillac, évoque la profondeur et le mystère des lieux.

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Le Figaro Magazine – Pourquoi Mouton Rothschild fascine-t-il autant ? Philippe Sereys de Rothschild –

Cette fascinatio­n a mille causes : le lien avec une grande famille, la présence de personnali­tés d’exception, le lien avec l’art, l’existence d’un très grand vin. Mais un grand vin, un grand terroir, cela ne se fait pas en quelques années. Ce qui est important, dans tout cela, c’est la continuité familiale, c’est de donner une identité à un lieu, et Mouton Rothschild appartient à la même famille depuis 1853. Six génération­s s’y sont succédé, et il y a eu une volonté de passer le flambeau et de conserver ce qu’est Mouton. A partir de l’époque de mon grandpère, puis avec ma mère et aujourd’hui mon frère et ma soeur, nous nous employons à conserver cette culture et cette identité du lieu. Cela donne à cet endroit une âme, et les lieux qui ont une âme ont quelque chose de profond et mystérieux qui les rend uniques. Les gens s’y attachent.

Les premiers crus classés, dont vous faites partie, dépassent-ils le rayonnemen­t de l’AOC ?

L’appellatio­n pauillac est très importante. C’est l’AOC du Médoc dans laquelle se trouvent trois premiers crus sur cinq. C’est un lieu peu commun et un terroir extraordin­aire. Ce qui est certain, et qui n’est pas simple à gérer, c’est que les premiers crus – Lafite, Latour et Mouton Rothschild – ont une aura, un rayonnemen­t mondial qui dépasse l’appellatio­n dans le sens où beaucoup de gens connaissen­t Mouton sans savoir où se situe l’appellatio­n pauillac. Ce sont des phares pour l’AOC, et c’est tant mieux.

Dès 1945, vous faites appel à des artistes de renom pour illustrer l’étiquette de votre grand vin. En quoi cela contribue-t-il à la popularité de Mouton Rothschild ?

Là encore, il s’agit d’une collection qui a une continuité et une âme depuis trois génération­s. C’est une collection d’artistes, qui ne sont pas exclusivem­ent des peintres, que nous avons aimés et qui aimaient notre vin. Nous avons un lien fort avec eux car ce sont des gens que nous avons voulus. Nous n’avons pas souhaité aligner les artistes, ni les choisir en fonction des millésimes, mais le faire par intuitu personae, en prenant des personnali­tés avec lesquelles nous avions un contact humain très fort. C’est basé sur l’affectif. Jean Cocteau, Henry Moore, Picasso, John Huston, Bob Wilson par exemple, étaient des amis proches de mon grand-père et de ma mère. Mon frère s’en occupe très bien car ce n’est pas toujours simple de discuter avec des artistes. Il faut leur expliquer Mouton, parler de la collection, du vin. Il faut de la patience, du temps. Aujourd’hui, les artistes sont contents d’être associé à cette collection et, pour nous, la récompense est belle quand on découvre l’étiquette. Cela exprime le fait que chaque millésime est singulier, ce qui est aussi la particular­ité des grands vins de Bordeaux.

■ PROPOS RECUEILLIS PAR GABRIELLE VIZZAVONA

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La façade du cuvier de Mouton Rothschild.
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