Le Figaro Magazine

COMMENT LES JEUNES PROPRIÉTAI­RES RAYONNENT

La génération Y prend le relais à la tête des châteaux bordelais. Sa force : une éducation internatio­nale alliée à une excellente connaissan­ce du terroir. Démonstrat­ion.

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Je ne pense pas que les propriétai­res de notre génération se disent qu’ils peuvent se relâcher. Nos grands-parents ou nos parents nous ont appris qu’il ne faut rien considérer comme acquis, même si aujourd’hui nous sommes au top », annonce Alexandra Petit-Mentzelopo­ulos, héritière du premier grand cru classé Château Margaux. S’ils n’ont pas connu la crise qui sévissait il y a quelques décennies dans le vignoble bordelais, les histoires transmises de génération en génération ont marqué leurs esprits et la vigilance reste de mise. A Bordeaux, passer le flambeau aux héritiers se fait avec douceur et bienveilla­nce : « Les choses se sont faites très naturellem­ent. Le fait d’avoir fait mes preuves en travaillan­t d’abord dans un autre pays a beaucoup compté », explique Stéphanie de Boüard-Rivoal, la jeune directrice du Château Angélus à Saint-Emilion. Citoyenne du monde, la nouvelle génération a voyagé, étudié ou travaillé à l’étranger (ou du moins en dehors de Bordeaux). « Notre éducation internatio­nale nous permet de mieux comprendre le monde et le marché », confirme Alexandra Petit-Mentzelopo­ulos qui habite à Londres, où elle vient d’ouvrir un bar à vins, Clarette, qu’elle gère à côté de ses activités pour le château. Polyglotte­s, les propriétai­res modernes maîtrisent au moins l’anglais – souvent beaucoup plus –, indispensa­ble à la conquête de nouveaux marchés et à l’entretien des relations, notamment avec les pays anglo-saxons, marchés colossaux mais volages. Un atout qui avait manqué à bon nombre d’anciens. « Parler anglais n’est pas un plus, c’est absolument indispensa­ble », insiste Stéphanie de Boüard-Rivoal, bilingue après avoir travaillé plusieurs années dans la finance à Londres. La jeune femme maîtrise aussi le chinois. Ce contact avec une diversité de cultures a également fait évoluer leur palais. Deux génération­s plus tôt, le goût demeurait très centré sur Bordeaux. « Mon grand-père se concentrai­t sur les crus de la rive droite. La rive gauche, c’était déjà un peu loin pour lui, alors que je me régale de vins d’autres régions de France mais aussi de barolo ou de Napa Valley », s’amuse Stéphanie. Cette curiosité influence les savoir-faire à la vigne comme à la cave, comme l’explique JeanCharle­s Cazes, propriétai­re du Château Lynch-Bages, qui a travaillé quelques années au Brésil avant de rejoindre le groupe familial. « Les échanges de technicien­s effectués avec d’autres pays nous permettent de découvrir de nouvelles pratiques de vinificati­on et de nous constituer un réseau. » Les millennial­s sont conscients qu’il leur faut être toujours plus précis pour satisfaire le consommate­ur, plus concernés par l’environnem­ent et l’utilisatio­n de la chimie dont certains de leurs prédécesse­urs ont abusé ; la recherche et le bio sont donc au centre des préoccupat­ions. « Nous sommes presque à 100 % bio », informe Alexandra, qui estime que c’est « absolument indispensa­ble pour le futur », tout comme sa consoeur de SaintEmili­on, qui assure diminuer au maximum les quantités de soufre contenues dans les vins. Ces natifs du digital se réappropri­ent les codes du luxe et ne négligent plus la communicat­ion en ligne. Ils développen­t des stratégies adaptées à l’image de leurs propriétés, même si le contact humain prévaut. « L’accueil à la propriété reste le plus important. Mon père m’a toujours dit que, notre métier, c’est de nous faire des amis », conclut JeanCharle­s Cazes. Bon sang ne saurait mentir.■ GABRIELLE VIZZAVONA

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Alexandra PetitMentz­elopoulos, dans son restaurant londonien Clarette, véritable ambassade de Bordeaux au Royaume-Uni.

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