“LA JUSTE VALEUR DU PRODUIT, UN GOÛT SPÉCIFIQUE, AUCUNE LOURDEUR ”
Le directeur de l’oenologie de Château La Louvière revient sur la formidable évolution de l’appellation Pessac-Léognan depuis cinquante ans.
Le Figaro Magazine – L’appellation Pessac-Léognan a été créée tardivement, en 1987, par André Lurton, propriétaire du Château la Louvière. Comment cela s’est-il déroulé ? Vincent Cruège – L’histoire de cet homme a eu beaucoup de conséquences sur l’appellation. Quand il est arrivé sur les terres de graves, dans les années 1960, il a trouvé une région abandonnée. Même Château Haut-Brion n’avait pas l’aura qu’on lui connaît aujourd’hui. Les vignes étaient revendues en terres à bâtir ou arrachées et replantées de forêts de pins. Très vite, André Lurton a eu des ambitions de qualité, et innovatrices. Il a fédéré les propriétaires pour mener un combat assez intense de préservation du territoire. Cela a créé un retentissement important au niveau national, médiatisé dès les années 1970. Empiriquement, il était question d’une zone où tous les crus classés de la zone se trouvaient, et on constatait que les vins y étaient meilleurs que ceux des graves du sud. Les recherches menées ont permis d’identifier la particularité des sols et de mettre en place des méthodes de vinification différentes capables de révéler le terroir. Nous avons toujours été proches de la recherche en raison de la proximité de l’université de Bordeaux.
Ce regroupement est-il pour vous l’élément clé du succès de l’appellation ?
La dynamique qui s’est créée entre pro- priétaires, techniciens et chercheurs a fait que nous sommes sortis du panier dans les années 1980. Ce n’était pas une compétition mais une émulation. La communication collective est un élément fort, car nous gagnons une certaine crédibilité à tirer tous dans la même direction. Tout cela a prouvé la pertinence du combat mené pour identifier notre terroir. La réputation de Pessac-Léognan est bonne car les gens font confiance à l’appellation. Ils constatent que nous avons une homogénéité qualitative élevée et une trame commune. Il n’y a pas de déception. Les vins sont consensuels à la dégustation, délicats et acceptés par beaucoup d’amateurs.
La Louvière est le domaine le plus recherché de Pessac-Léognan sur notre site. Quels sont selon vous les éléments qui y ont contribué ?
Les amateurs se retrouvent dans les vins de cette propriété. Pourtant, tout le monde ne connaît pas André Lurton. Cet engouement se situe donc au-delà de la personne. Le Château La Louvière n’est pas cru classé mais nous y sommes assimilés. Nous avons en quelque sorte dépassé le classement. Nous ne sommes pas dans la catégorie du luxe, intimidante, mais dans celle de la gastronomie. Cela se retranscrit dans nos rapports avec la sommellerie et la restauration. C’est un cru de transmission, d’héritage, de partage. Il y a une juste valeur du produit, un goût spécifique, sans lourdeur. Et puis le cadre est magnifique, le bâtiment et le parc sont classés monuments historiques. C’est beau, reposant.
■ PROPOS RECUEILLIS PAR GABRIELLE VIZZAVONA