Le Figaro Magazine

“MON VIN A UNE HISTOIRE ET UNE ÂME ”

Le très discret Château La Louvière obtient un succès remarquabl­e sur le web. Comment a-t-il séduit les internaute­s ? Eléments de réponse par son heureux propriétai­re.

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“Le succès actuel du Château La Louvière est sans aucun doute dû à la conjonctio­n de plusieurs facteurs. Il y a son histoire pour commencer. Le vignoble existe depuis 1310, ce qui en fait l’un des plus anciens du Bordelais. Ce riche passé s’inscrit dans sa grande histoire viticole, mais il est aussi truffé d’anecdotes qui rendent ce cru particuliè­rement sympathiqu­e et attachant.

Il bénéficie d’un savoir-faire ancien en matière de techniques viticoles. De plus, les hommes qui ont présidé à sa destinée ont toujours voulu être à la pointe du progrès et de la qualité : qu’il s’agisse des techniques de vinificati­on mises en place dès le XVIe siècle par les moines chartreux mais aussi des campagnes de promotion de ce vin dès les années 1920 par les propriétai­res de l’époque, sans oublier les soins culturaux apportés au vignoble au XIXe siècle. Lorsque je suis arrivé au Château La Louvière, en 1965, j’ai souhaité m’inscrire dans cette dynamique.

La qualité de ses vins a très tôt été reconnue dans le monde entier.

Les vins blancs du Château, par exemple, ont été beaucoup exportés au Canada au milieu du XVIIe siècle. On pouvait les retrouver, vers 1810, sur les grandes tables russes. Et, en consultant les vieux catalogues de la Maison Nicolas des années 1930, on se rend compte que les vins de La Louvière arrivent déjà en bonne place parmi les crus classés du Bordelais.

Il ne faut pas négliger non plus que La Louvière reste un site remarquabl­e, classé monument historique depuis 1991. Un château néoclassiq­ue de la fin du XVIIIe siècle, avec son parc, une décoration intérieure tout aussi exceptionn­elle avec les oeuvres du peintre flamand François-Louis Lonsing… Après plus de cinquante ans de restaurati­on, ce site a aujourd’hui retrouvé ses lettres de noblesse, et j’en suis très heureux. Ce patrimoine exceptionn­el allie savoirfair­e et culture. C’est un vin qui a une âme. Je l’ai perçu lors de ma première visite. Il fallait cependant lui redonner des couleurs, la réveiller un peu. C’est à cette lourde tâche que je me suis employé, pendant une grande partie de ma vie. Par ailleurs, j’ai toujours souhaité promouvoir l’image de ce cru auprès du plus grand nombre de consommate­urs. Dès que cela a été possible, dans les années 1990, j’ai fait ouvrir les grilles du château au public, pour les Journées du patrimoine. L’oenotouris­me en était à ses balbutieme­nts. Les visiteurs venaient pour visiter le site, mais ils avaient aussi l’opportunit­é de déguster (et d’acheter) nos vins. Nous avons ainsi conquis et fidélisé bien des consommate­urs locaux…

Si je n’étais pas tombé amoureux du Château La Louvière, peut-être n’aurions-nous pas vu la naissance de l’AOC Pessac-Léognan en 1987… Qui sait ? Acheter ce domaine m’a donné l’envie de me battre pour ces terroirs viticoles exceptionn­els. Mes actions, mes multiples combats pour la protection des terroirs des Graves de Bordeaux a sans doute mis encore plus en avant le domaine. Celui-ci était un peu mon vaisseau amiral dans ce secteur, le QG à partir duquel tout se décidait. Enfin, même si, malheureus­ement, ses vins ne sont pas classés, La Louvière a toutes les caractéris­tiques d’un grand cru classé. Mais nous, côté prix, nous avons su rester modestes et sages, afin de rester proches de nos consommate­urs. Comme j’aime le répéter, c’est un cru de grande classe. Notre culture d’exception, à nous. Nous recevons au château plus de 10 000 personnes par an, dont plus de 30 % d’étrangers. Cette propriété est la représenta­tion du château viticole bordelais dans l’imaginaire des gens. Elle offre du rêve. Et c’est aussi tout cela qui nourrit le site et assure son succès.

■ PROPOS RECUEILLIS PAR CATHERINE DEYDIER

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Le chai du Château La Louvière.
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André Lurton.

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