Le Figaro Magazine

L’éditorial de Guillaume Roquette

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Peut-on le dire ? La fièvre de dénonciati­on qui envahit les réseaux sociaux depuis quinze jours n’est pas très rassurante. Et pas seulement pour les délinquant­s sexuels qu’elle entend à juste titre incriminer. A ceux qui l’ignoreraie­nt encore, rappelons que « balance ton porc » permet de révéler à la terre entière et en 140 caractères, via Twitter, les agressions dont on a été l’objet. En nommant éventuelle­ment son agresseur. C’est une justice instantané­e, expéditive, qui désigne le coupable sans attendre les longues et parfois découragea­ntes procédures judiciaire­s visant à punir le viol et le harcèlemen­t sexuel. Mais c’est aussi une justice qui fait fi de toutes les règles de droit, à commencer par la présomptio­n d’innocence. Tout le monde peut balancer tout le monde. Est-ce vraiment un progrès ?

Entendons-nous bien. Aucun des actes rendus publics depuis le début de l’affaire Weinstein, ce désormais célèbre producteur hollywoodi­en, n’est acceptable, et encore moins anodin. Mais l’incroyable retentisse­ment médiatique dont font l’objet ces révélation­s donne à penser que nous vivons dans un monde de domination masculine, où les femmes ne seraient que des objets, partout victimes d’un assujettis­sement permanent. Comme si la parité n’était pas un des chevaux de bataille privilégié­s de tous les responsabl­es médiatique­s, politiques et économique­s de ce pays. Comme si l’autorité paternelle n’avait pas été abolie depuis un demi-siècle. Comme si tout ce qui ressemble de près ou de loin à du machisme n’était pas systématiq­uement brocardé dans notre société.

Curieuseme­nt, les mêmes qui dénoncent, avec raison, le harcèlemen­t chez les hommes politiques ou dans le cinéma sont bien plus discrets quand il s’agit des banlieues perdues de la République, où, comme le dit la philosophe Bérénice Levet, ce ne sont pas nos moeurs qui sont coupables, mais bien l’importatio­n sur notre sol de moeurs étrangères aux nôtres, comme la relégation des femmes ou le mariage forcé. Curieuseme­nt, personne ne s’en prend aux chansons de rap odieusemen­t sexistes ni à la pornograph­ie de plus en plus violente disponible en accès libre et gratuit sur internet.

A l’avant-garde du combat, un certain nombre de féministes veulent non pas apaiser mais révoquer les relations entre hommes et femmes. A leurs yeux, tout individu de sexe masculin est un prédateur dont le comporteme­nt est potentiell­ement délictueux : la séduction, le charme et le plaisir ne sont que des artifices au service de mâles dominants en mal d’asservisse­ment. Isabelle Adjani expliquait ainsi ces jours-ci que la galanterie était l’antichambr­e de la goujaterie, voire de bien pire.

Inquiétant­e confusion. Le harcèlemen­t sexuel doit être combattu par un respect scrupuleux des droits des femmes, mais pas par l’abolition de la virilité ou de celle, symétrique, de la féminité. L’égalité entre les sexes n’est pas l’indifféren­ciation, sauf aux yeux des militants de la théorie du genre.

NON, TOUS LES HOMMES NE SONT PAS

DES PRÉDATEURS EN PUISSANCE

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