Les week-ends de... Marin Karmitz
Il se souvient de la scène comme si c’était hier. Alors qu’il était étudiant, Marin Karmitz avait assisté à une conférence de Roberto Rossellini à la Cinémathèque. Ce jour-là, l’auditoire n’avait pu dissimuler sa surprise. Le metteur en scène italien, venu pour enseigner son art, avait longuement disserté sur d’autres questions.
« Il n’a pas parlé de cinéma mais de paresse », se remémore le célèbre producteur, réalisateur et distributeur, connu pour avoir fondé la marque MK2. Et d’ajouter avec un grand sourire :
« Il nous a parlé de la meilleure façon de faire des pâtes ou de conduire une Ferrari. » Un discours totalement inattendu qui avait convaincu le natif de Bucarest de ne jamais se faire voler ses moments de détente. Fort de ses succès, il a pu mettre ce projet à exécution en privilégiant, durant le week-end, sa vie familiale au travail. « J’apprécie les rituels du dimanche », poursuit l’ex-assistant de Jean-Luc Godard, qui aime par-dessus tout partager les repas avec ses proches ou d’effectuer avec eux une escapade à Trouville. « Mon deuxième cocon », explique celui qui a récemment confié la gestion de son groupe à ses fils Nathanaël et Elisha. En Normandie ou à Paris, il se consacre volontiers à la lecture. Au
J’apprécie les rituels des dimanches en famille
programme, actuellement : l’étude de l’Ancien Testament mais aussi les ouvrages consacrés à l’Allemagne de l’entre-deuxguerres. C’est aussi durant ces instants privilégiés qu’il a réfléchi à la sélection et à la configuration des 400 oeuvres (sur les 1 200 qu’il possède) composant l’exposition « Etranger résident », organisée à La Maison Rouge jusqu’au 21 janvier prochain. Attention chefs-d’oeuvre ! Difficile de ne pas être transporté ou ému devant toutes ces photographies pleines de sens – consacrées aux grandes tragédies du XXe siècle et signées Man Ray, Abbas Kiarostami, Chris Marker, André Kertész… – ainsi que face à cette installation de Christian Boltanski ou ce tableau de Vilhelm Hammershøi. Loin des salles obscures, il ne boude pas son plaisir de prendre du temps en fin de semaine dans les lieux de culture. Rossellini aurait sûrement applaudi.