L’affiche/Les passe-temps d’Eric Neuhoff
Au Centre Pompidou *, l’exposition consacrée à André Derain se concentre sur les années 1904-1914, baptisées la « décennie radicale ». S’appuyant sur des documents inédits – photos, écrits, correspondance –, elle rend hommage à un avantgardiste qui, durant cette courte période, adopte l’un après l’autre des styles radicalement différents. Des ruptures qui peuvent parfois dérouter le visiteur. Celui que Gertrude Stein surnommait
« le Christophe Colomb de l’art moderne » était un visionnaire. Après avoir fait un petit tour du côté d’un naturalisme proche de Lautrec, il découvre avec son ami Vlaminck l’univers de Van Gogh. Il comprend que l’on peut peindre avec des couleurs pures. Une tendance encouragée par son séjour à Collioure où il rejoint Matisse. On admire ici une magnifique série de toiles d’une maîtrise exceptionnelle, illuminées par la lumière du Midi. Au Salon d’automne de 1905, elles participeront au scandale des fauves. Autre chef-d’oeuvre, La Danse (1906, photo), entouré de nombreux dessins préparatoires, réalisé la même année que ses vues de Londres aux couleurs explosives. Puis Derain évolue vers le primitivisme, influencé par les arts océanien et africain mais aussi par Gauguin – une stylisation de plus en plus géométrique qui le mène enfin vers le cubisme. En 1912, nouvelle métamorphose : il s’oriente vers un style néoarchaïque inspiré des primitifs italiens. Les sujets sont austères, la chaude lumière a disparu. La guerre se profile. Le peintre endossera en 1914 la tenue d’artilleur…
SYLVIE MARCOVITCH
* Paris IVe, jusqu’au 29 janvier 2018.