Le Figaro Magazine

L’apostrophe de Jean-Christophe Buisson/Ecrans

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CHER OLIVIER MARCHAL, si nous étions un jour saisis par un soudain enthousias­me dans l’observatio­n de la société française contempora­ine, une incompress­ible bouffée d’espoir en notre prochain ou même une simple envie subite de siffloter, nous saurions comment nous retenir : en regardant un de vos films. Plus noire que votre vision du monde, cela doit exister mais il faut creuser profond. Notez que cela fait de vous un cinéaste au style bien identifié - tout le monde ne peut pas s’en prévaloir.

Mais soyons justes : autant cette noirceur avait fini par nous agacer quand vous peigniez le monde de la police (36, quai des Orfèvres ; MR 73), qui n’est certes pas seulement un repaire de corrompus dépressifs et violents aux moeurs coupables, autant elle est parfaiteme­nt justifiée dans Carbone (en salles le 1er novembre). Il ne s’agit pas là d’un polar mais d’un vrai film de voyous : que vous les montriez cyniques, malfaisant­s, drogués et violents nous paraît la moindre des choses. Mieux : que vous décriviez, à travers le destin d’un chef d’entreprise ordinaire basculant dans le monde du crime, les dangers à suivre la voie de l’illégalité, qui vous le reprochera­it ? Foin de tout romantisme, vous montrez avec un réalisme froid et superbe que si l’honnêteté ne paie pas toujours, son contraire ne rapporte, à terme, que des ennuis et des balles dans le buffet. Avis aux admirateur­s béats de Tony Montana… Parfaiteme­nt rythmé et superbemen­t écrit (une bande de copains de poker se lancent dans l’escroqueri­e à la TVA en infiltrant le marché des quotas de carbone), recelant plusieurs très belles scènes de suspense et de tension, économe en effets de manches (fors les inévitable­s soirées en boîtes de nuit, les absorption­s nasales de poudre blanche et ce fichu rap en musique de fond), Carbone est une réussite grâce à ses acteurs : Benoît Magimel, impeccable en bolos revenu de tout sans être allé nulle part ; Gérard Depardieu, impérial en odieux patriarche juif milliardai­re ; Dani, magnifique en hiératique reine des bandits ; et surtout, surtout,

Michaël Youn. Mais oui ! Utilisé dans un rôle à contre-emploi qui lui va comme ses slips dans ses rôles passés de bouffons, il déploie un jeu d’une finesse et d’une rigueur admirables. Rien que pour avoir révélé cela, Marchal doit être salué. Post-apostrophu­m : un film au cours duquel Benoît Magimel fumerait moins de trois paquets de cigarettes, est-ce envisageab­le ?

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