L’éditorial de Guillaume Roquette
ENTRE L’ISLAM ET LE CHRISTIANISME, LE CONSEIL D’ÉTAT A DEPUIS LONGTEMPS CHOISI SON CAMP
Le Conseil d’Etat vient d’ordonner la destruction d’une croix surmontant une statue de Jean-Paul II érigée en Bretagne. Il s’est fondé sur la loi de 1905 qui interdit tout signe ou emblème religieux postérieur à cette date dans l’espace public, à l’exception des églises et des cimetières. Néanmoins, les mêmes magistrats ont accepté qu’on laisse en place l’effigie du pape polonais, dont la vie et l’oeuvre n’ont, comme chacun sait, rien à voir avec la religion… « Vouloir séparer la croix et Jean-Paul II, c’est absurde ! » a réagi Jean-Pierre Raffarin dans un tweet plein de bon sens. Sauf que l’ancien Premier ministre se trompe en cherchant une logique juridique dans la décision du Conseil d’Etat. Il y a belle lurette que la plus haute juridiction administrative française se comporte en instance politique dès qu’il s’agit de sujets sociétaux. Avec une ligne qui a le mérite de la constance : favoriser l’islam et sanctionner le christianisme.
Ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent qu’en 1980, le Conseil d’Etat étendait le regroupement familial aux familles polygames en violation absolue des lois françaises, qu’en 1989 il autorisait le voile islamique à l’école, affirmant contre toute évidence qu’il n’était pas contraire à la laïcité, qu’en 2010 il se prononçait contre la loi interdisant la burqa, laquelle, comme chacun sait, n’est en rien un signe ou emblème religieux… Plus récemment, en 2016, il refusait aux maires le droit d’interdire le burkini sur leurs plages, quelques semaines seulement avant de limiter drastiquement le droit d’installer des crèches dans les mairies. A chaque fois, le deux poids, deux mesures est flagrant.
Pour comprendre cette logique, il faut se replonger dans le rapport Tuot, du nom d’un des plus hauts dirigeants du Conseil d’Etat, en charge des questions d’immigration. Dans un texte tout ce qu’il y a de plus officiel remis au Premier ministre en 2013, il expliquait sans fard ses convictions sur l’intégration, en condamnant
« la célébration du passé révolu d’une France chevrotante et confite dans des traditions imaginaires ». On imagine sans peine que la croix chrétienne, comme les crèches de Noël, appartient à cette tradition chevrotante et imaginaire. Dans le même rapport, on préconisait par ailleurs de baptiser (si l’on ose dire) des rues de villes françaises
« en écho avec l’histoire des migrations » ou d’enseigner dès le collège une langue africaine.
Entre les mains de tels militants, la loi de 1905 est une arme pour tenter d’effacer autant qu’il est possible la culture chrétienne de notre espace public. Il ne s’agit pas d’une affaire religieuse (d’ailleurs, les responsables catholiques n’ont rien trouvé à redire à la décision du Conseil d’Etat), mais d’un enjeu de civilisation. On interdit les croix aujourd’hui comme on empêchait hier de mentionner les racines chrétiennes de l’Europe dans la Constitution de l’Union. L’objectif est toujours le même : nier notre histoire pour favoriser l’émergence d’une société multiculturelle.