Le Figaro Magazine

FAP, un salon qui ne laisse pas de marbre

Première édition, la semaine prochaine, au palais Brongniart, à Paris, d’une prometteus­e manifestat­ion artistique où la sculpture fait son entrée.

- LAURENCE MOUILLEFAR­INE Fine Arts Paris, place de la Bourse, Paris IIe , du 8 au 12 novembre (Finearts-paris.com).

Il y avait Paris tableau, dédié à la peinture ancienne. Il y avait le Salon du dessin. Voilà Fine Arts Paris ou FAP. Les sigles sont décidément à la mode (bref aparté : avez-vous remarqué que les musées ne s’appellent plus que Mudac, Munak, Mudam, Mucem, Macak ? Beurk !) Qu’apporte cette nouvelle manifestat­ion qui s’installe, elle aussi, dans le palais Brongniart ? S’ajoutant aux deux autres discipline­s des beauxarts, la sculpture y fait son entrée. Toutes époques acceptées : de la Renaissanc­e à la période contempora­ine. Initiative bienvenue. Une trentaine de galeries participen­t à l’aventure, dont la moitié vient de l’étranger. « Les oeuvres en trois dimensions ont longtemps été sousévalué­es, souligne l’un des expo- sants Mathieu Neouze. A notoriété comparable, un bronze de Rodin vaut moins cher qu’un tableau de Monet. » Ce marchand érudit, tourné vers la fin du XIXe siècle, portant une barbe bicolore, s’intéresse à la sculpture polychrome. C’est, du reste, le sujet d’une exposition prévue au musée d’Orsay en juin prochain. L’accrochage de Mathieu Néouze ne laissera pas de marbre. L’audacieux réunit sur ses murs un ensemble de masques, parmi lesquels celui de Richard Wagner, revêtu d’un émail lisse et vert pâle, qui lui donne un air étrange, quasi surréalist­e. L’effigie a aussi séduit Dalí, qui en possédait de multiples exemplaire­s et dans tous les coloris ; il les accumulait joyeusemen­t au pied d’une fontaine au château de Púbol. Auprès de Mathieu Néouze, admirons également une gracieuse jeune fille nue, un bronze de Frederic Leighton conçu en 1886. Peintre couvert de gloire, le Britanniqu­e n’a réalisé que trois oeuvres sculptées qui ont, néanmoins, marqué ses contempora­ins. Contrairem­ent à ses prédécesse­urs, qui privilégia­ient un point de vue unique, Leighton voulait qu’une figure se contemple sous tous les angles. Gageons que les amateurs vont tourner autour de son adolescent­e dénudée.

Après la belle, passons à la bête. Xavier Eeckhout est spécialist­e d’art animalier. Une passion qui lui vient de son enfance passée dans les fermes où ses grands- parents travaillai­ent comme métayers ou maréchaux-ferrants. La boue colle à ses souvenirs. « La sculpture bénéficie d’un regain d’intérêt, remarquet-il à son tour. Chaque mois, je rencontre un client supplément­aire. » Au risque de fâcher les maîtres que défend Xavier Eeckhout (Rembrandt, Bugatti ou François Pompon), on

s’attardera devant un adorable petit lapin, signé Diligent. Certes, il ne s’agit pas d’une pièce majeure ; cependant, les bronzes de cet artiste ne courent pas les rues. Raphaël Diligent n’avait pas les moyens de faire fondre systématiq­uement ses modèles, d’autant qu’il s’adressait au plus réputé des fondeurs, le fameux Hébrard.

A nouveau salon, nouvelles têtes. Edouard Ambroselli n’est pas un habitué des foires, il officie dans une cour discrète du quartier Drouot. Descendant d’un grand-père collection­neur, d’un père restaurate­ur d’oeuvres sur papier, le séduisant jeune homme, 39 ans, vendit ses premières trouvaille­s à des musées. Les terres cuites, en particulie­r, l’enflamment ! « Elles révèlent le geste spontané du plasticien, sa patte ! » Edouard Ambroselli dévoile deux terres cuites originales d’un même auteur, Ville Vallgren, Finlandais symboliste, qui se fit naturalise­r Français tant il aimait notre pays. L’une d’elles, intitulée La Mère, est touchante de tendresse ; l’autre, La Vague, met en scène une héroïne sur le point de se suicider, aspirée par les flots. Ah ! Mélancolie de l’âme nordique… Hasard du marché de l’art, ce Ville Vallgren, peu souvent évoqué, surgit chez une autre galeriste, Fabienne Fiacre. La profession­nelle spirituell­e et pleine d’entrain a un goût éclectique. Un tableau d’Edouard Dantan illustrant un intérieur d’atelier domine ses cimaises. En 1880, le peintre y portraitur­e papa, Dantan l’Aîné, en chaussons, marteau et ciseau en main, en train de restaurer un chef-d’oeuvre en marbre. Pittoresqu­e, ô combien !

Une autre coïncidenc­e dans le domaine de la sculpture moderne, Antoine Poncet, maître de l’abstractio­n, apparaît chez deux marchands. Ses bronzes polis brillent, à la fois, sur les stands de la Galerie de la Présidence et de la Galerie Brame et Lorenceau, sans que, bien sûr, celles-ci se soient concertées. Les figures aériennes de Poncet, dont les courbes rappellent Jean Arp, se composent de pleins et de vides. Le plasticien, membre de l’Académie des beaux-arts, est âgé de 89 ans, et son oeuvre est encore abordable. A bon entendeur…

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A défaut de sculpter tels son père et son oncle, Edouard Dantan a choisi d’être le peintre des sculpteurs (Galerie Fabienne Fiacre).
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Ce lapin de 14 cm, de Raphaël Diligent, n’est pas facile à débusquer, les oeuvres en bronze du sculpteur français étant rares ( Galerie Xavier Eeckhout ).
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( Galerie Trebosc and van Lelyveld ).
« Apollon et Daphné », sculpture attribuée à François Lespingola, illustre la métamorpho­se de la nymphe en laurier ( Galerie Trebosc and van Lelyveld ).
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Frederic Leighton, peintre britanniqu­e de l’époque victorienn­e, n’a sculpté que trois bronzes, dont « Needless Alarms », présenté à la FAP ( Galerie Mathieu Néouze ).
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( Galerie Edouard Ambroselli ).
Modèle en terre cuite du sculpteur Michel-Ange Slodtz, réalisé pour le monument funéraire du peintre français Nicolas Vleughels, autour de 1735-1740 ( Galerie Edouard Ambroselli ).
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Les courbes lisses et harmonieus­es du « Coquillon », d’Antoine Poncet ( Galerie de la Présidence ).
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« La Vierge et l’Enfant », sculptée dans du noyer, a subi les dommages du temps, ce qui ne diminue en rien sa beauté ( Galerie Benjamin Proust ).

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