FAP, un salon qui ne laisse pas de marbre
Première édition, la semaine prochaine, au palais Brongniart, à Paris, d’une prometteuse manifestation artistique où la sculpture fait son entrée.
Il y avait Paris tableau, dédié à la peinture ancienne. Il y avait le Salon du dessin. Voilà Fine Arts Paris ou FAP. Les sigles sont décidément à la mode (bref aparté : avez-vous remarqué que les musées ne s’appellent plus que Mudac, Munak, Mudam, Mucem, Macak ? Beurk !) Qu’apporte cette nouvelle manifestation qui s’installe, elle aussi, dans le palais Brongniart ? S’ajoutant aux deux autres disciplines des beauxarts, la sculpture y fait son entrée. Toutes époques acceptées : de la Renaissance à la période contemporaine. Initiative bienvenue. Une trentaine de galeries participent à l’aventure, dont la moitié vient de l’étranger. « Les oeuvres en trois dimensions ont longtemps été sousévaluées, souligne l’un des expo- sants Mathieu Neouze. A notoriété comparable, un bronze de Rodin vaut moins cher qu’un tableau de Monet. » Ce marchand érudit, tourné vers la fin du XIXe siècle, portant une barbe bicolore, s’intéresse à la sculpture polychrome. C’est, du reste, le sujet d’une exposition prévue au musée d’Orsay en juin prochain. L’accrochage de Mathieu Néouze ne laissera pas de marbre. L’audacieux réunit sur ses murs un ensemble de masques, parmi lesquels celui de Richard Wagner, revêtu d’un émail lisse et vert pâle, qui lui donne un air étrange, quasi surréaliste. L’effigie a aussi séduit Dalí, qui en possédait de multiples exemplaires et dans tous les coloris ; il les accumulait joyeusement au pied d’une fontaine au château de Púbol. Auprès de Mathieu Néouze, admirons également une gracieuse jeune fille nue, un bronze de Frederic Leighton conçu en 1886. Peintre couvert de gloire, le Britannique n’a réalisé que trois oeuvres sculptées qui ont, néanmoins, marqué ses contemporains. Contrairement à ses prédécesseurs, qui privilégiaient un point de vue unique, Leighton voulait qu’une figure se contemple sous tous les angles. Gageons que les amateurs vont tourner autour de son adolescente dénudée.
Après la belle, passons à la bête. Xavier Eeckhout est spécialiste d’art animalier. Une passion qui lui vient de son enfance passée dans les fermes où ses grands- parents travaillaient comme métayers ou maréchaux-ferrants. La boue colle à ses souvenirs. « La sculpture bénéficie d’un regain d’intérêt, remarquet-il à son tour. Chaque mois, je rencontre un client supplémentaire. » Au risque de fâcher les maîtres que défend Xavier Eeckhout (Rembrandt, Bugatti ou François Pompon), on
s’attardera devant un adorable petit lapin, signé Diligent. Certes, il ne s’agit pas d’une pièce majeure ; cependant, les bronzes de cet artiste ne courent pas les rues. Raphaël Diligent n’avait pas les moyens de faire fondre systématiquement ses modèles, d’autant qu’il s’adressait au plus réputé des fondeurs, le fameux Hébrard.
A nouveau salon, nouvelles têtes. Edouard Ambroselli n’est pas un habitué des foires, il officie dans une cour discrète du quartier Drouot. Descendant d’un grand-père collectionneur, d’un père restaurateur d’oeuvres sur papier, le séduisant jeune homme, 39 ans, vendit ses premières trouvailles à des musées. Les terres cuites, en particulier, l’enflamment ! « Elles révèlent le geste spontané du plasticien, sa patte ! » Edouard Ambroselli dévoile deux terres cuites originales d’un même auteur, Ville Vallgren, Finlandais symboliste, qui se fit naturaliser Français tant il aimait notre pays. L’une d’elles, intitulée La Mère, est touchante de tendresse ; l’autre, La Vague, met en scène une héroïne sur le point de se suicider, aspirée par les flots. Ah ! Mélancolie de l’âme nordique… Hasard du marché de l’art, ce Ville Vallgren, peu souvent évoqué, surgit chez une autre galeriste, Fabienne Fiacre. La professionnelle spirituelle et pleine d’entrain a un goût éclectique. Un tableau d’Edouard Dantan illustrant un intérieur d’atelier domine ses cimaises. En 1880, le peintre y portraiture papa, Dantan l’Aîné, en chaussons, marteau et ciseau en main, en train de restaurer un chef-d’oeuvre en marbre. Pittoresque, ô combien !
Une autre coïncidence dans le domaine de la sculpture moderne, Antoine Poncet, maître de l’abstraction, apparaît chez deux marchands. Ses bronzes polis brillent, à la fois, sur les stands de la Galerie de la Présidence et de la Galerie Brame et Lorenceau, sans que, bien sûr, celles-ci se soient concertées. Les figures aériennes de Poncet, dont les courbes rappellent Jean Arp, se composent de pleins et de vides. Le plasticien, membre de l’Académie des beaux-arts, est âgé de 89 ans, et son oeuvre est encore abordable. A bon entendeur…