Le Figaro Magazine

Le théâtre de Philippe Tesson

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On est à New York, dans un tribunal de cour d’assises. Douze jurés, des hommes moyens, sont là par obligation, les uns pressés d’en finir, les autres résignés, enfermés depuis trois jours pour juger un gamin de 16 ans qui a tué son père avec préméditat­ion. Cela devrait être expédié assez rapidement, la peine de mort est probable, mais l’unanimité est obligatoir­e. Surprise : un premier vote donne une voix contre. Il faut qu’on parle, dit le juré en substance, la vie d’un homme est en jeu, on ne peut pas expédier cela en cinq minutes. Alors le débat entre les douze hommes va s’engager.

La réputation de Douze hommes en colère est telle que même la plupart des spectateur­s qui la découvrent en connaissen­t l’argument et le dénouement. On sait ce que ce débat va révéler : le meilleur et le pire de la nature humaine, mais aussi ce qu’il y a d’assez de coeur et de raison en nous pour racheter cette médiocrité. Son enjeu est profondéme­nt dramatique. De surcroît, l’oeuvre est de très bon niveau, originale et parfaite dans sa constructi­on, et elle offre aux acteurs des partitions idéales. On sera touché par la représenta­tion qu’en donne le Théâtre Hébertot dans une adaptation très fidèle, intelligem­ment allégée de Francis Lombrail, qui a réuni autour de lui douze interprète­s qui composent un parfait tableau de l’humanité. Parmi eux l’excellent Bruno Wolkowitch, le huitième juré, celui par lequel la surprise survient, un très beau rôle qu’illustra avec bonheur Michel Leeb. Charles Tordjman a inventé une fort habile mise en scène. Il ouvre le débat en rassemblan­t en ligne les jurés et, à mesure que se passionne leur discussion, il crée entre eux un mouvement d’un effet dramatique très réussi. C’est un spectacle utile et d’excellente qualité (Théâtre Hébertot, 01.43.87.23.23).

Ce ne peut être qu’une passion immodérée pour l’artiste Modigliani qui a aveuglé Laurent Seksik au point qu’il offre dans sa pièce Modi un portrait aussi dégradant de l’homme. Il nous annonce un être humain exceptionn­el, lumineux, divin, jubilatoir­e, romanesque ! Or, c’est une loque humaine qu’il nous présente, un ivrogne haineux, amer, vulgaire, odieux. Nous ne donnons décidément pas au tragique le même sens que l’auteur, pour lequel nous avons pourtant beaucoup de respect. Ou bien alors avons-nous mal entendu ce texte. Les acteurs ne sont pas en cause bien que les personnage­s qu’ils interprète­nt n’aient rien à envier en matière de médiocrité à l’artiste (la niaiserie de sa femme et la petitesse de sa belle-mère) à l’exception de son marchand. La mise en scène de Didier Long et le décor de Jean-Michel Adam sauveraien­t ce spectacle s’il n’était déjà englouti dans notre mémoire (Théâtre de l’Atelier, 01.46.06.49.24).

Le meilleur et le pire de la nature humaine

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