Le Figaro Magazine

TEDDY D. OU COMMENT INVESTIR DANS LES ACTIFS HORLOGERS

Plus performant­es qu’un Livret A ou qu’une assurance-vie, les montres anciennes peuvent rapporter gros. C’est ainsi qu’un financier parisien est devenu un excellent collection­neur.

- PAR FABIENNE REYBAUD

Un après- midi pluvieux, au septième étage d’une grande banque européenne, face à une terrasse s’ouvrant sur tous les grands monuments de Paris, Teddy D. tranche avec le profil d’autres collection­neurs que nous avions rencontrés dans le passé. Il est jeune, souriant, possède un compte Instagram (Watches2.8), accepte de se faire photograph­ier et apparaît, dès les premiers mots, d’une franchise rafraîchis­sante. « Je porte et j’achète des montres depuis vingt ans, mais je suis devenu un collection­neur assidu il y a trois ans, quand je

me marchand. Daytona suis fait 6263 Je arnaquer de recherchai­s mon année par une un de

naissance, 1972. Un an après, il

m’appelle en me disant : “J’ai

trouvé ta montre, tu as une heure

pour te décider.” J’arrive et me

trouve face à un autre collection

neur qui me déclare : “Si vous ne

la prenez pas, je l’achète, et si

vous voulez la vendre plus tard, je vous la reprends 10 % plus cher.” » Les circonstan­ces, la mise en scène, l’attente d’un an… Notre homme s’offre donc sa 6263 millésimée. Trois ans après, il se rend chez un autre marchand, lui montre sa Daytona supposée de 1972 et découvre cadran, du tout le de que cristal cette les ne poussoirs, année-là… datent pas le Pire encore, à l’ouverture du boîtier, l’infâme insigne « XXX » apparaît, signifiant que Rolex ne peut plus réviser ce modèle car il a subi trop de changement­s de pièces… La déception s’avère terrible. « J’ai décidé de ne plus jamais me faire avoir, donc je me suis plongé dans la littératur­e horlogère. C’est parce que je suis banquier que j’ai décidé de collection­ner les montres. L’assurance-vie ne rapporte rien, j’étais passé à côté des

voitures. présentent sous-coté. Les J’ai un garde-temps appliqué actif physique les mé- re

thodes de la finance à la

constructi­on de ma collection. » Il se pose deux questions : quelles sont les marques intéressan­tes ? Comment les traiter ? « Dans l’automobile, il y a

Porsche et Ferrari. Dans l’horlo

gerie de collection, il y a Rolex et

Patek Philippe. Cela ne veut pas

dire que l’on ne trouve pas une

Jaguar ou une Audemars Piguet

intéressan­te… Rolex, c’est la

marque des “cool kids”, Patek

Philippe, celle des connaisseu­rs

avec les mouvements les plus

nobles. » Teddy D. n’est pas venu porté mens collection nées et les une emblématiq­ues qui mains de dizaine peuvent différente­s vides, de être il spéci- de a très, an- ap- sa très et/ou rares, dans d’une un état grande exception- valeur nel. Huit Rolex, deux Patek Philippe, une Audemars Piguet… Notre financier, didactique, dévoile ses « actifs » par année afin que nous comprenion­s mieux la cohérence de son trésor. Il se met à étaler les références de ses tocantes dans un sabir merveilleu­x. Voici la « Solo » Rolex 1956 Jean- Claude Killy DatoCompax. Ce chronograp­he d’un diamètre de 36 millimètre­s, qui donne le jour, le mois et la seconde, a été conçu pour le skieur français. « Non seulement son mouvement est compliqué, ce qui n’est pas courant chez Rolex, mais ce modèle est possibleme­nt unique. Je l’ai payé 200 000 euros et il en vaut désormais 350 000. Aujourd’hui, c’est sans doute la pièce la plus chère de ma collection. » A ses côtés, une 5508 « petite James Bond » Small Crown de 1962 ; une Submariner 5512 de 1963 ; une Pré- Daytona 6238 de 1965 ; deux jolis numéros datant de 1971 ; un chronograp­he à l’authentiqu­e cadran →

→ Tropical, etc. Monsieur D. connaît ses sujets sur le bout des doigts. Ainsi, ce minuscule point d’exclamatio­n situé à 6 heures signifie que les index de cette Rolex de 1962 contiennen­t un taux de radium moins élevé afin de respecter la nouvelle réglementa­tion de l’époque. En 1963, le radium étant totalement banni des montres, la marque à la couronne, au lieu de jeter les cadrans initialeme­nt prévus pour les index en radium, les recycle en leur adjoignant des chiffres en tritium… et le mentionne avec un trait horizontal sous le nom de la montre. Autre exemple de ces diableries qui se nichent dans d’infimes détails de la production du numéro 1 mondial de la montre de luxe : le cadran Panda, en référence aux couleurs de la bête – yeux, compteurs noirs dans un visage, fond blanc. Ou encore le Tropical. Sous l’effet conjugué de l’obscurité et de l’humidité, un chronograp­he au fond noir, peint avec une peinture organique, a viré au marron. « Les Italiens ont très vite compris comment transforme­r un cadran lambda en Tropical, mais on peut détecter le vernis au microscope », explique Teddy D. D’ailleurs, pour sélectionn­er ses sujets, il s’est fabriqué un tableau Excel de la taille d’une carte de crédit. Y sont mentionnée­s les informatio­ns (références, nombre de pièces produites, années de production, etc.) sur toutes les Rolex qu’il recherche. « Contrairem­ent à Patek Philippe, qui possède un musée et rachète ses pièces anciennes, l’inventeur de l’Oyster ne s’est jamais intéressé à ses modèles vintage. En tant que collection­neur, c’est très excitant de traquer une pièce dans cet univers où, à l’instar de la finance au milieu des années 1990, tout est possible. Dans ma sélection, je privilégie la qualité de la montre plutôt que sa provenance et, bien évidemment, je n’achète que des pièces qui me plaisent et que j’aime porter. » Bien que Teddy D. ne veuille pas donner le nombre de garde-temps qu’il possède, il en livre la valeur. Sa collection vaut entre 1 million et 1,5 million d’euros. « Pour faire évoluer cet ensemble, j’ai dû faire mon deuil d’en garder certaines. Ainsi, l’an dernier, j’ai vendu une 6263 de la première génération Panda parce que je me suis rendu compte qu’elle n’était pas parfaite, son numéro de série était 2,6 alors que celui de la génération numéro 1 va de 2,08 à 2,19. » Coût de cette vente : 400 000 euros. De quoi peutêtre financer son prochain achat : un chronograp­he 6262 Paul Newman Panda. Mais sans doute pas la Rolex de ses rêves : une mystérieus­e Daytona en or. De ce type, il n’y en aurait que trois dans le monde. L’une d’entre elles a été adjugée par Phillips à Genève, à 3,7 millions de francs suisses. « Le ratio portabilit­é-plaisir d’une montre de collection est imbattable. Vous pouvez partir aux Maldives avec un gardetemps à 4 millions d’euros et personne ne s’en doutera une seconde. » Jouissif.

“IL EST TRÈS EXCITANT DE TRAQUER UNE PIÈCE”

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Teddy D. collection­ne les montres depuis trois ans.
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Sagementt alliignés surr une ttablle de son burreau,, une diizzaiine de spéciimens embllématt­iiques de lla collllectt­iion du banquiierr ffrrançaii­s..
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 ??  ?? Parmi les trésors de Teddy D., les Rolex sont reines, avec de rares chronograp­hes. Elles trônent aux côtés de pièces emblématiq­ues d’Audemars Piguet et de Patek Philippe dont cette Calatrava en platine achetée chez Tiffany, à New York (ci-dessus).
Parmi les trésors de Teddy D., les Rolex sont reines, avec de rares chronograp­hes. Elles trônent aux côtés de pièces emblématiq­ues d’Audemars Piguet et de Patek Philippe dont cette Calatrava en platine achetée chez Tiffany, à New York (ci-dessus).
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