AUDREY CHEVALIER UNE AMOUREUSE EN HERBE
Jolie jeune femme d’à peine 30 ans, cette antiquaire des puces de Saint-Ouen a attrapé le virus de l’horlogerie récemment.
Aquoi reconnaît-on un collectionneur ? Au nombre de modèles qu’il possède ? l’intensité de son obsession ? A la valeur des pièces qu’il a patiemment acquises ? Difficile à dire… Certains comptent près de 20 montres et ne sont pas pour autant des collectionneurs. D’autres ont besoin des doigts d’une seule main pour dénombrer l’étendue de leur patrimoine mais s’avèrent de fins connaisseurs mus par une démarche ré f léchie . Y aurait-il autant de collectionneurs que de collections ? Prenez le cas d’Audrey Chevalier : 29 ans, peu d’antécédents familiaux dans la passion horlogère, un intérêt assez récent pour les montres, un portefeuille « normal » et… quatre Rolex. Des modèles, certes appréciés des aficionados, mais pas non plus des raretés nécessitant un emprunt sur dix ans. Et pourtant, elle se revendique « collectionneuse » et mérite sans conteste cette casquette.
Jeune antiquaire des puces de Saint-Ouen,
spécialisée dans les meubles en bois d’Ethiopie, elle a toujours baigné dans le vintage avec ses parents qui l’emmenaient à Drouot ou aux puces le weekend. Son père – designer de mobilier inspiré des années 1930 et 40 – a également eu, pendant quelques années, un stand au Village Suisse. Côté horlogerie, en revanche, rien de spécial à signaler. A l’adolescence, comme ses camarades, elle cède à la folie des Swatch et des Baby-G de Casio. Ensuite, attirée uniquement par les montres d’homme, elle porte celles de son père, une Tank de Cartier, une Hublot ultraplate ou un chronographe Breitling. Mais el le n’a jama i s reçu de « montre événement » pour son anniversaire ou son baccalauréat. « Ce n’était pas la culture de ma famille », racontet-elle.
A 22 ans, sur un coup de coeur et alors qu’elle commence tout juste à gagner sa vie, elle s’offre sa première Rolex, une GMTMaster. « 1675 », comme disent les mordus. Pas la Pepsi (qu’elle cherche depuis un an), mais un modèle au cadran chocolat, lunette bicolore or et marron patinée, sur bracelet cuir. « Mon achat le plus instinctif » , se souvient- elle rétrospectivement. Le virus a probablement été inoculé à ce moment-là. Rapidement, elle achète une Submariner 5513, « pas une pièce exceptionnelle mais un très beau modèle facile à porter, facile à assumer ». Elle la revendra « sûrement bientôt pour la remplacer par un modèle plus recherché comme une GMT Pepsi avec sa lunette rouge et bleu ». Elle possède également une autre « Sub » 5513, sur bracelet cuir, qui a la particularité de cumuler deux détails très appréciés : elle est « gilt » et « meters first ». Comprenez, elle a une lunette brillante et la mention de la profondeur est en mètres, puis en feet (ce qui est plus rare que l’inverse). Sa dernière acquisition est une Milgauss, ce modèle des années 1950 conçu pour résister aux champs magnétiques. En quelques années, la jeune femme a acquis un bel échantillon mais a surtout découvert le bonheur de « chasser » de nouvelles pièces, le plaisir d’attendre « le » modèle avec les détails convoités. A quelques semaines de ses 30 ans, elle est ainsi partie en quête d’une Paul Newman, le mythique chrono Daytona, cadran Panda – fond blanc et compteurs noirs, « surtout pas l’inverse ».
« Je collectionne petit à petit. Comme un jeune conducteur qui vient d’avoir son permis et qui ne s’offre pas un gros 4 x 4 (8 cylindres) la semaine suivante, raconte la jeune femme. Je suis entrée pour la première fois dans une boutique Rolex très récemment. Les montres neuves ont beaucoup moins d’âme à mes yeux. Mais je n’achète pas du vintage pour investir, ni pour cocher des cases sur une liste. Je n’achète que des modèles que j’ai envie de porter. » Son histoire démontre que ni la quantité ni la valeur marchande ne transforment l’amateur en collectionneur… ■