UN ÉTRANGE PETIT MONDE
★★★ SIGMA, de Julia Deck, Minuit, 235 p., 17,50 €.
L’un
des péchés originels du complotisme, c’est son absence d’humour. Aussi pouvait-on craindre de Sigma, variation helvétique autour du roman d’espionnage sur fond de marché de l’art et d’organisations mystérieuses et puissantes, une énième fiction paranoïaque et sentencieuse. C’était ignorer combien l’ironie et la grâce sont constitutives du travail de romancière de Julia Deck, digne émule de ses grands aînés Jean Echenoz ou Christian Gailly. Ici, il est question d’un peintre, d’un de ses tableaux récemment découvert, dont la vente pourrait faire flamber la cote, ce qui contrarierait les desseins d’une étrange société secrète nommée Sigma. Dès lors, un banquier, une actrice, un universitaire, un galeriste, flanqués d’une théorie d’assistants et de secrétaires particuliers entrent dans la danse des faux-semblants et du mensonge. L’affaire est plus mélancolique qu’il n’y paraît. Julia Deck est une montreuse d’ombres. Sur sa scène s’agitent quelques pantins avant que le rideau ne tombe.
OLIVIER MONY