Le Figaro Magazine

ALCOOL, DROGUE, PERMIS QUE PEUT FAIRE L’EMPLOYEUR ?

Selon le code du travail et une jurisprude­nce établie, un salarié ne peut guère se soustraire aux examens visant à protéger sa santé et sa sécurité dans son activité profession­nelle.

- RÉMY JOSSEAUME AVOCAT À LA COUR, PRÉSIDENT DE L’AUTOMOBILE-CLUB DES AVOCATS

Il faut le savoir : les accidents de la route sur le temps de travail constituen­t la première cause de décès au travail. Ils représente­nt en effet près de 20 % des accidents mortels du travail. La conduite sous l’empire d’un état alcoolique et la conduite après usage de stupéfiant­s constituen­t à elles seules les principale­s causes d’accidents. Confronté à un salarié présentant des signes caractéris­tiques d’influence toxicologi­que ou voulant prévenir toute conduite à risque, l ’ empl oye u r p e ut - i l contraindr­e, tel un agent de police, un salarié à se soumettre à des épreuves de vérificati­on sur son lieu de travail ?

La réponse est positive. Au terme de l’article R.4228-21 du code du travail, l’employeur est tenu à une obligation générale de sécurité de ses salariés. Il doit, par exemple, interdire l’entrée ou le séjour dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse.

Ainsi, l’employeur peut, pour ce faire, limiter, voire interdire la consommati­on d’alcool sur le lieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleu­rs. Ces dernières années, les juges ont été amenés à créer une oeuvre jurisprude­ntielle pour trancher les litiges nés d’initiative­s patronales imposant le contrôle de salariés. Selon une décision de la Cou r de c a s s a t ion du 31 mars 2015, le recours à l’éthylotest permettant d’établir sur le lieu de travail l’état d’ébriété d’un salarié est légal, et même en dehors, sur le parking. Cette légalité est toutefois subordonné­e à plusieurs conditions. La procédure de contrôle doit être prévue par des dispositio­ns du règlement i nté r i eur . Ensuite, le salarié doit pouvoir contester la mesure et notamment demander une contre- expertise. Enfin, seuls les salariés dont les fonctions et l’activité sont de nature à exposer les autres personnes ou les biens à un danger peuvent y être soumis, selon une jurisprude­nce datant de mai 2002 de la Cour de cassation. Mais l’employeur doit cependant démontrer que les mesures d’interdicti­on ou de limitation d’alcool sur le lieu de travail doivent être proportion­nées au but recherché.

Cette légalité est toutefois subordonné­e à plusieurs conditions

En matière de consommati­on de produits stupéfiant­s, les tribunaux ont suivi la même orientatio­n. Ils autorisent de la même manière l’employeur à réaliser des tests salivaires de dépistage, comme l’a énoncé le Conseil d’Etat, cette fois, dans une décision du 5 décembre 2016. Dès lors que les épreuves de dépistage ne revêtent pas le caractère d’un examen de biologie médicale (prise de sang), l’employeur n’est pas obligé de recourir aux prestation­s d’un médecin. Le salarié doit, là aussi, disposer de la possibilit­é de contester la mesure et de solliciter une contre-analyse s’il en conteste la véracité. L’employeur possède également le droit de solliciter de son employé la production physique de son permis de conduire ou une preuve de sa validité. Toutefois, il ne peut pas demander des informatio­ns sur le nombre de points détenus sur le permis de conduire. Il s’agit, en effet, d’une informatio­n à caractère personnel à laquelle personne ne peut pas avoir accès à l’exception de la personne concernée et des autorités.

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Tel un agent de police, l’employeur peut demander des épreuves de vérificati­on sur le lieu de travail.

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