Le Figaro Magazine

UNE PASSION AVANT TOUT

Considérés par certains comme des signes extérieurs de richesse, les chevaux de course coûtent souvent plus d’argent à leurs propriétai­res qu’ils ne leur en rapportent. Escapade dans un monde à part.

- PAR CAROLE PAPAZIAN

Le regard qui brille, le verbe qui s’accélère, l’émotion qui pointe, les symptômes sont toujours plus ou moins les mêmes chez les amoureux des courses. Quand ils parlent de chevaux de course – les leurs, ceux qu’ils aimeraient acheter, ceux qu’ils entraînent, qu’ils élèvent ou sur lesquels ils parient –, ils laissent à un moment ou un autre transparaî­tre la passion. Pour le néophyte qui passe un moment sur un hippodrome, il n’est pas toujours évident de se faire une idée juste de ce qui fait vibrer ce petit monde. Dans certains endroits, elle est pourtant palpable. A Deauville, sur l’hippodrome de La Touques en plein été, quand le monde des courses se transporte dans la station normande en multiplian­t les animations, les courses, les occasions de côtoyer profession­nels et chevaux, le grand public ne boude pas son plaisir et vient en famille. Lors du défilé des chevaux, ils peuvent jauger les robes des uns ou des autres et, un peu plus loin, jeter un oeil curieux sur la pesée des jockeys avant et après les courses avant de s’aventurer dans une vente aux enchères de pur-sang. C’est aussi à Deauville, en août, que se tiennent les célèbres ventes de yearlings. A 18 mois, ils n’ont encore jamais couru et pourtant chaque année les chiffres valsent quand les enchères battent leur plein. Cet été, en trois jours, plus de 38,8 millions d’euros ont été dépensés pour acheter ces futurs champions au prix moyen de 166 000 €. Du jamais-vu ! L’enchère la plus haute pour un de ces yearlings s’est élevée à 1,55 million d’euros. C’est un fonds d’investisse­ment luxembourg­eois spécialisé, Phoenix Thoroughbr­eds, qui a acheté au Haras de la Perelle (Calvados) ce jeune cheval à la lignée célèbre, dont le père, Dubawi, est un ancien champion et un étalon renommé, et la mère, Giofra, une jeune pouliche britanniqu­e qui a remporté plusieurs grandes courses.

Les dotations des courses peuvent elles aussi parfois donner le vertige.

Le 30 septembre, le Qatar prix de l’Arc de triomphe a été marqué par la victoire d’Enable à Chantilly. Le vainqueur a gagné ce jour-là 2,857 millions d’euros, soit 57,2 % de l’allocation de la course, qui était de 5 millions d’euros (à partager entre les cinq premiers). Un gain qui se répartit entre les propriétai­res (77 %), l’entraîneur (14,5 %) et le jockey (8,5 %). « L’année prochaine, la course des courses aura lieu à l’hippodrome de Longchamp qui va rouvrir en avril 2018, entièremen­t repensé et modernisé », explique Marcel Chaouat, membre du comité de France Galop, l’associatio­n qui organise et contrôle les courses de galop. Ce monde a ses codes, ses rites, son savoir-faire. Il intrigue. « La filière hippique française est une référence sur la scène internatio­nale. Les propriétai­res du monde entier achètent français » écrit Edouard de Rothschild, le président de France Galop dont l’une des missions est justement d’encourager l’élevage et l’entraîneme­nt en France des chevaux de course. Une filière qui génère des milliers d’emplois. Car les métiers qui tournent autour des chevaux de course sont nombreux : maréchaux-ferrants, entraîneur­s, éleveurs, vétérinair­es, palefrenie­rs, jockeys, employés des hippodrome­s (435 chez France Galop par exemple), mais aussi pousseurs et tireurs qui font entrer les chevaux dans leurs stalles de départ. Chaque année, plus de 7 000 courses sont organisées sur les 140 hippodrome­s de galop de France. Mais qui sont les propriétai­res ? Un cheval est-il un placement plaisir ? Que rapporte-t-il vraiment ? Le prix des cracks peut atteindre des sommets et certaines grandes fortunes suivent de près le monde des courses en portant haut leurs casaques. Celles de l’Aga Khan, des frères Wertheimer et de plusieurs princes du Moyen-Orient sont régulièrem­ent citées. Mais il y a course et course. Beaucoup de propriétai­res n’ont qu’un cheval, d’autres unissent leurs forces avec des passionnés comme eux au sein d’écuries de groupe pour faire courir plusieurs chevaux.

Etre propriétai­re n’est d’ailleurs pas toujours une bonne affaire : la passion peut coûter cher ou permettre de gagner gros selon les cas. En France, il y a 4 568 propriétai­res de chevaux de galop, dont 3 020 résidents et 1 548 non-résidents. Et on compte une quarantain­e d’écuries de groupe, qui regroupent des propriétai­res. « La plupart perdent de l’argent », assure un amoureux des chevaux. D’autres investisse­urs s’intéressen­t, eux, à la deuxième vie

Les gains de course se répartisse­nt entre les propriétai­res (77 %), l’entraîneur (14,5 %) et le jockey (8,5 %)

des champions. Après des années de courses, certains coulent des jours heureux dans un haras. Etalons, poulinière­s, ces chevaux-là sont des placements qui peuvent rapporter gros à leurs propriétai­res. En Normandie, le haras Montfort & Préaux abrite ainsi Le Havre, un cheval qui a remporté le prix du Jockey Club en 2009 et qui a été syndiqué (il appartient à plusieurs propriétai­res). Celui qui est devenu un des meilleurs, sinon le meilleur étalon →

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Dimanche 1err octobre, à Chantilly, le jockey Frankie Dettori a remporté avec Enable le Qatar Prix de l’Arc de triomphe.
 ??  ?? Le Havre, un des meilleurs étalons français.
Le Havre, un des meilleurs étalons français.
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