Le Figaro Magazine

“CHOISIR UNE DÉMARCHE DE SANTÉ ACTIVE”

Le célèbre médecin psychiatre défend la méditation de pleine conscience comme outil d’équilibre et de prévention.

- ■ PROPOS RECUEILLIS PAR C. D.

Est-ce que la médecine préventive est en train de prendre le pas sur la médecine curative ? Tout a beaucoup évolué, notamment grâce aux données scientifiq­ues. On peut suivre aujourd’hui de grandes cohortes. Et quand on constate, par exemple, qu’un grand nombre de personnes faisant beaucoup d’exercice physique ou mangeant plus de cinq fruits et légumes par jour sont majoritair­ement en meilleure santé que d’autres qui ne le font pas, il serait criminel de ne pas transmettr­e ces informatio­ns aux patients ! Autrefois la santé, c’était la vie dans le silence des organes. Aujourd’hui, nous sommes capables, même en l’absence de symptômes, de voir arriver des déséquilib­res biologique­s. Ecouter puis intervenir sur le mode de vie, être capable de dire « si vous voulez rester en bonne santé, c’est mieux de faire de l’exercice, méditer, mieux manger, être attentif à la qualité de votre sommeil », cela fait partie de notre rôle de médecin. Nous avons compris, sans renoncer à la prescripti­on médicament­euse, que l’on peut tenter autre chose : faire évoluer les comporteme­nts dits « de santé » quand cela s’avère nécessaire.

Mais une personne, même très informée, peut-elle se passer de médecin ?

Non, mais elle peut devenir acteur et expert de sa santé. Notre rôle de médecin consiste à dire au patient qu’il faut coordonner nos expertises. Cela n’est pas démagogiqu­e, car le meilleur connaisseu­r de ses maux, c’est le patient et grâce à internet, aux livres, aux revues spécialisé­es, il est souvent très bien informé. Nous, médecins, sommes des experts peut-être moins pointus mais sur un champ de connaissan­ces et d’expérience­s plus large. Et nous sommes aussi pédagogues : en matière de prévention, la plupart des choses prouvées par la science ont été dites, mais elles n’ont pas forcément été entendues, intégrées ou appliquées. Alors il faut les répéter.

En quoi la méditation est-elle un atout pour prévenir des maladies ?

C’est un entraîneme­nt du cerveau. Nous assistons à une révolution avec la compréhens­ion de la neuroplast­icité. Il y a trente ans, on parlait encore d’un cerveau adulte à 20 ans, qui ne faisait que s’étioler avec le temps. On sait aujourd’hui qu’il peut se maintenir, s’entretenir, voire se développer tout au long de la vie. Mais on sait aussi qu’on ne décrète pas d’être plus heureux, de moins stresser, de mieux dormir, d’être plus concentré, d’avoir une meilleure mémoire. Comme quand on veut courir plus vite ou plus longtemps, il faut s’entraîner. Cette idée d’entraîner le cerveau est radicaleme­nt nouvelle. Le XXe siècle a construit un monde plus sédentaire et nous avions perdu de vue la nécessité de bouger notre corps. Le XXIe siècle nous présente un nouveau monde hyperconne­cté, digitalisé, très envahissan­t. La méditation va devenir indispensa­ble pour éviter la sollicitat­ion permanente de notre cerveau, se poser, se recentrer. Aucun médicament ne peut la remplacer comme aucun médicament ne peut remplacer l’exercice physique. La méditation sera à ce début du XXIe siècle ce que l’activité physique a été à la fin du XXe : une grande compensati­on et une grande source d’équilibre.

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Pour Christophe André, faire évoluer les comporteme­nts est une part essentiell­e du rôle des médecins aujourd’hui.

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