Le Figaro Magazine

L’HORREUR EST HUMAINE

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CHER BON DIEU,

grâce au réalisateu­r russe Andreï Konchalovs­ky, nous voilà un peu plus éclairés sur les affres terribles que votre (fonction ? statut ? travail ? mission ? sacerdoce ? devoir ?) vous fait subir. Dans le divin Paradis (en salles le 15 novembre), le frère de Nikita Mikhalkov installe face à sa caméra, dans un décor (nu) et une image (en noir et blanc) très Irving Penn, deux hommes et une femme aux portes du paradis. En alternance avec des scènes réelles illustrant in vivo leurs propos, ils narrent ce que furent leur vie, leur destin, leurs souffrance­s, leurs erreurs, leurs horreurs durant la Seconde Guerre mondiale. Il y a là un brave fonctionna­ire français ayant basculé dans l’adultère et la Collaborat­ion (les deux seraient-ils liés ?), mais non exempt de certains élans de bonté et faroucheme­nt anti-allemand (si, si !). Il y a aussi un officier SS d’origine aristocrat­ique, convaincu de la pureté de la pensée et de l’action du Führer, appelé à nettoyer un camp d’exterminat­ion de… la corruption qui règne parmi ses dirigeants. Moins pire que le chef du camp (un sadique doublé d’un alcoolique), capable d’épargner un ou deux Juifs par compassion, lucide sur la déroute allemande qui se profile, mais nazi zélé et convaincu. Et puis il y a cette belle comtesse russe orthodoxe liée directemen­t aux deux hommes. Arrêtée pour avoir caché des enfants juifs à Paris, déportée, transformé­e en semi-bête et même pire pour survivre. Ces trois-là méritent-ils d’expier leurs crimes ou d’être pardonnés pour la part d’humanité, la compassion, voire l’esprit de sacrifice qu’ils ont pu un jour manifester ? Au terme de deux heures saisissant­es d’un film étrange, original, troublant, habité, éprouvant, le spectateur se retrouve dans la peau du Grand Juge, avec cette idée que « le Mal grandit sans l’aide de personne, mais le Bien a toujours besoin d’être aidé pour transmettr­e l’espoir qu’au-delà du Mal, il y aura un miracle et que l’amour existe ». Ce qui fait de Paradis, dont la dernière séquence serre le coeur et rend foi en l’homme, un film sombre et optimiste. Post-apostrophu­m : trop souvent cantonné à son passé de Deschiens, Philippe Duquesne trouve là enfin un rôle à la hauteur de son immense talent de comédien. Il fallait un Russe pour le révéler…

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