Le Figaro Magazine

FRANÇOIS DELÉTRAZ OPÉRA GARNIER : LE SACRE DE LA DANSE

- (0.892.899.090).

Sublime soirée à l’Opéra Garnier. De la danse comme on l’aime : variée, avec des approches et des thèmes très différents. Au programme : Agon de Balanchine, Grand Miroir de Teshigawar­a et Le Sacre du printemps de Pina Bausch.

Créé en 1957 sur une musique de Stravinsky, Agon offre le meilleur exemple de l’esthétisme froid dont Balanchine avait fait son fonds de commerce. Pas d’histoire, peu de coeur, rien de plus qu’une gestuelle épousant la musique. Rares sont les troupes qui peuvent se prévaloir d’interpréte­r ainsi un ballet aussi difficile techniquem­ent et où le moindre défaut est criant. Ici, il n’y en a pas. Bien que construite avec une technique classique que Balanchine maîtrisait parfaiteme­nt, Agon est bien l’oeuvre d’un précurseur qui annonce ce que des contempora­ins comme Forsythe ou Cunningham feront plus tard. Changement radical de registre avec Saburo Teshigawar­a. Grand Miroir, son ballet inspiré du poème de Baudelaire (« La musique souvent me prend comme une mer ! ») et en rupture totale avec la rigueur de Balanchine, donne le sentiment d’un plongeon dans la liberté. Ici, les gestes sont souples, les bras se balancent perpétuell­ement, les danseurs vont et viennent comme dans une course sans fin. Ils s’évitent, se cherchent et s’élancent dans l’inconnu en quête de sensations nouvelles. Peut-être est-ce cette liberté qu’expriment les gestes, ou bien est-ce le mouvement de la vie que leur course veut imiter. La pièce se termine par une chute très forte : la rencontre fulgurante entre deux danseurs. On est dans le rêve, le surnaturel, avec des corps peints en vert et en rouge. Pourtant, le réel reste très présent, comme si l’un et l’autre étaient indissocia­bles. Ce ballet s’appuie sur l’envoûtant Concerto pour violon d’Esa-Pekka Salonen avec l’incroyable soliste Akiko Suwanai. S’ensuit un long entracte pour la mise en place du décor de Rolf Borzik : les machiniste­s déversent sur le plateau des centaines de kilos de terre sous l’oeil ébahi du public. Le Sacre du printemps peut commencer – oeuvre majeure du XXe siècle, véritable pilier de la danse. Créée en Allemagne en 1975, la version de Pina Bausch n’a rien perdu de sa force inouïe. Une forme de rituel qui parle à l’inconscien­t, qui émeut, qui secoue. Un véritable sacre de la danse.

Opéra Garnier, jusqu’au 16 novembre

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France