Le théâtre de Philippe Tesson
On se réjouit de retrouver le délicieux Théâtre Déjazet dans une nouvelle jeunesse et avec une ambitieuse programmation. A l’affiche jusqu’à la fin de l’année Le Malade imaginaire, l’ultime comédie de Molière et non la moindre, que l’on ne revoit jamais sans émotion : il mourut, on le sait, quelques heures après la quatrième représentation qu’il en donna dans son Théâtre du Palais-Royal. Décidément, Molière est en vogue ces temps-ci. Après notamment les spectaculaires Fourberies du Français, l’audacieux Tartuffe de la Porte Saint-Martin, voici un Malade divertissant qui séduira davantage ceux qui découvriront l’oeuvre que ceux qui en sont familiers. L’excellent Michel Didym, qui met la pièce en scène, ne semble pas avoir donné ici la pleine mesure de son talent et de son invention. Les commentaires très judicieux dont il accompagne son travail sont baignés d’un respect et d’une tendresse à l’endroit de Molière qui paraît l’avoir intimidé. Il est visiblement plus à l’aise dans le théâtre contemporain que dans le classique, et il l’a abondamment prouvé. Est-ce pour ce motif qu’il en rajoute dans son souci de nous expliquer que Molière est moderne, ce que tout le monde sait, tout en le traitant d’une manière finalement assez classique pour ne pas dire neutre, lui dont on connaît l’imagination, la curiosité, voire l’audace ? Ce n’est pas qu’on lui reproche l’absence d’ostentation, au contraire. Le Malade n’est plus jouable, s’il l’a jamais été, dans le luxe des intermèdes, ballets et autres divertissements, ne serait-ce que pour des raisons financières. Mais s’agissant du burlesque par exemple, Didym pouvait aller plus loin – on pense à la scène des Diafoirus, qui en font trop et trop peu à la fois. Dans le jeu des acteurs également. André Marcon est vraiment trop modeste dans le rôle d’Argan. Il ne fait même pas sourire. On attend la reprise de rôle par Didym. Seules Norah Krief dans le rôle de Toinette et la jeune Jeanne Lepers dans celui d’Angélique campent des créatures réellement moliéresques. En vérité, tout ce qui ici est dans l’esprit de Molière est ce qui relève de la comédie bourgeoise. Ce qui manque, c’est d’une part la folie, d’autre part ce que Didym appelle « la profondeur métaphysique ». C’est dommage. Est-il imaginaire ou non, ce malade-ci ? On n’a pas la réponse. Mais reste la pièce, qui est un chef-d’oeuvre, et les implacables satires de la médecine et des médecins, qui nous valent des morceaux légendaires comme le fameux dialogue entre Argan et Béralde ou la scène du poumon avec Toinette.
Le Malade imaginaire, de Molière. Mise en scène de Michel Didym. Avec André Marcon, Norah Krief, Jeanne Lepers, Théâtre Déjazet (01.48.87.52.55).
Molière est en vogue ces temps-ci