Plus jamais malade ? Les révolutions de la médecine préventive
LES RÉVOLUTIONS DE LA MÉDECINE PRÉVENTIVE
Les dernières découvertes de la science en matière de médecine ont repoussé les frontières du possible. Au point que nombre de spécialistes pensent aujourd’hui que chacun sera bientôt le principal acteur de sa santé grâce à une meilleure connaissance des techniques de prévention contre la maladie. C’est la conviction de trois médecins dont les livres sont des phénomènes de librairie et qui nous livrent leurs prescriptions.
Si vous ne connaissez pas encore Coaching santé active, il est temps d’aller explorer votre compte Amelie sur le site internet de l’assurance-maladie pour autre chose que la vérification de vos remboursements d’assuré social. Après un questionnaire sur l’alimentation, l’état de votre sommeil, le mal de dos ou le niveau d’activité sportive, le coach santé active propose de suivre des programmes d’entraînement (santé du dos, nutrition, santé du coeur, etc.) et de choisir entre trois entraîneurs virtuels - Al propose le programme le plus actif et Emil le plus cool. Commencent des ateliers avec relance par courriel, si vous en avez exprimé le souhait et quand l’entraînement est trop négligé. D’aucuns verront quelque chose du Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley, derrière cette batterie de questions et d’exercices soumis à l’assuré social. « Et si un jour nous ratons un atelier, nos remboursements seront réduits ? », susurre la petite voix du paranoïaque qui sommeille en chacun de nous. D’autres rappellent qu’inciter à une meilleure hygiène de vie est la bonne solution pour boucher le trou de la Sécurité sociale. Et qu’y aurait-il de mal à essayer de tenir la promesse de vivre mieux plus longtemps en proposant de prévenir la maladie ? L’espace de Coaching santé active de la Sécurité sociale n’est qu’un exemple parmi de nombreuses applications qui se développent dans le secteur de la e-santé en pleine effervescence. La plupart des smartphones abritent aujourd’hui un outil intelligent, qui mesure le nombre de pas quotidiens, le temps de sommeil, la qualité des repas… Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Une révolution est en marche. Les progrès des neurosciences, de l’imagerie médicale, de la génomique et des technologies numériques capables de compiler et d’analyser des milliards de données et de comparer des cohortes de testeurs sur le long terme, sont en train de modifier radicalement la façon d’appréhender la santé. Prévenir la maladie s’avère de plus en plus efficace. Parfois, on flirte presque avec la science-fiction. Il existe aujourd’hui des outils qui, avec quelques gouttes de salive, permettent de déceler dans l’ADN les prédispositions à l’obésité, certains cancers ou le risque de développer des maladies comme celles de Parkinson ou d’Alzheimer, voire une schizophrénie. Ils remontent des informations toujours plus nombreuses au fur et à mesure que l’on comprend les caractéristiques du génome humain. Surtout, ce qui coûtait des centaines de milliers d’euros il y a dix ans est devenu très économique - des tests sont accessibles pour 150 € ! Reste que l’intérêt de telles informations, quand elles sont livrées sans explication, est souvent contesté par les praticiens. « Bien utilisés, ces tests pourraient responsabiliser les patients face à certains risques, mais la manière dont ils sont présentés est très anxiogène et surtout cela ne →
→ mesure pas l’impact du mode de vie sur les gènes, ce que l’on appelle l’épigénétique, et qui est essentiel pour une bonne prévention », rappelle le docteur Frédéric Saldmann (lire p. 51).
La prise de conscience reste l’élément moteur dès qu’on aborde la question de la prévention. Le professeur Serge Hercberg, qui pilote le programme national nutrition santé, rappelle que 85 % des Français connaissent le slogan « Manger au moins cinq fruits et légumes par jour » mais que seulement 45 % affirment l’appliquer. Il y a un pas parfois difficile à franchir de la connaissance à la pratique.
L’art de prendre en compte les maladies chroniques (cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires…), la lutte contre la sédentarité (4e cause de mortalité dans le monde !), mais aussi l’acceptation de l’automédication et le soutien scientifique que certains spécialistes lui apportent, changent néanmoins la donne et réduisent les risques. Des sujets autrefois tabous ne dérangent plus le corps médical. Cela veut-il dire qu’une bonne hygiène de vie vaut mieux qu’une batterie de médica- ments ? Rares sont les médecins sérieux qui vont jusque-là. Même s’ils constatent une défiance face à la chimie pharmaceutique, ils défendent l’idée que la prévention ne doit pas s’opposer au curatif. Tout s’organise autour de la complémentarité et de la connaissance. Pour le docteur Martine Perez (Votre santé est entre vos mains, Leduc. S Editions), la technicité de la médecine ne rend pas la connaissance médicale inaccessible au plus grand nombre. Au contraire, « les avancées scientifiques alliées aux bouleversements technologiques ont créé les conditions d’un savoir et d’une connaissance partagés. Le patient peut devenir aujourd’hui le partenaire de son médecin s’il sait s’écouter, s’il apprend à se comprendre », soutient-elle.
« Quelque chose a changé dans l’esprit des patients comme dans la pratique de la médecine », confirme le psychothérapeute Christophe André, dont le travail à l’hôpital Sainte-Anne consiste à prévenir la rechute, notamment dans les cas de dépression (lire p. 56). Pour celui qui promeut la méditation en France, « la multiplication des ouvrages de vulgarisation, des outils d’initiation et la prise de parole de médecins médiatisés rappellent aux patients qu’ils sont finalement les meilleurs experts d’eux-mêmes. Par ailleurs, tous les principes de prévention sur le sommeil, l’alimentation, l’activité physique ou la méditation ont été validés par la science et les grandes enquêtes épidémiologiques. De fait, ce qui pouvait apparaître hier comme des conseils un peu faciles et qui n’étaient pas forcément intégrés par le patient, prend une autre résonance ».
Dans cette association d’intérêts entre le médecin et le malade, l’automédication ne devient plus un tabou. « La prise en charge et la gestion de sa santé et de son bienêtre par l’individu lui-même est une tendance confirmée par les professionnels qui ne s’y opposent pas », affirmet-on à l’Afipa, l’association qui regroupe les industriels produisant des produits de santé disponibles sans ordonnance. Selon l’Afipa, une « automédication responsable » permettrait au système de santé d’économiser 1,5 milliard d’euros. Ce serait aussi un formidable outil pour désengorger les cabinets médicaux. Dans la pratique, l’automédication semble déjà très répandue (lire infographie). La raison principale invoquée par les patients étant la connaissance des traitements adaptés et l’envie de se soigner rapidement.
En matière d’alimentation, en confirmant scientifiquement les qualités ou la dangerosité de certains aliments, la recherche a aussi beaucoup aidé les diététiciens à être entendus pour prévenir le mal… souvent relayé par des
DES PRATIQUES PRÉVENTIVES VALIDÉES PAR LA SCIENCE
professeurs de médecine, cancérologues ou cardiologues médiatisés, dont les ouvrages se vendent au rayon des best-sellers. Certes, la tendance générale est encore au gras, au trop sucré ou au trop salé. Mais la recherche des bons produits, souvent pour le goût, s’associe au souci de mieux manger pour sa santé en se tournant vers le bio ou des aliments reconnus pour leur qualité anticancéreuse, leurs apports bénéfiques en oligoéléments, fibres, vitamines… Face à la suspicion contre le médicament, l’intérêt pour certains compléments alimentaires, des huiles essentielles et des plantes aux bienfaits thérapeutiques, permet des découvertes extrêmement intéressantes pour éviter de tomber malade. Les études génétiques des produits et les enquêtes épidémiologiques confirment ce qu’il était d’usage de qualifier de « recettes de grand-mère » - parfois non sans un certain mépris de la part des thérapeutes.
Pour Tim Spector, professeur d’épidémiologie au King’s College de Londres et auteur de Régimes, la grande illusion (Dunod), l’une des découvertes majeures de la science ces dernières années est celle du rôle fondamental de l’intestin, qualifié de « deuxième cerveau ». Le microbiote, c’est-à-dire la communauté de milliards de bactéries qui colonisent l’intestin, « a une influence majeure sur notre métabolisme ainsi que sur notre système immunitaire et notre humeur », explique-t-il. Cela va à l’encontre de ce qui a été longtemps défendu par une approche très hygiéniste de l’alimentation débouchant sur des absurdités comme de laver la viande à l’eau de javel, pratique encore courante en Amérique du Nord. La plupart des microbes sont nos alliés et non nos ennemis, soutient Tim Spector, fort des découvertes récentes qui lui permettent d’affirmer que la vogue du sans gluten n’a pas de fondement scientifique. Tolérant, il propose à ceux qui veulent supprimer le blé, l’orge ou le seigle de leur alimentation de les remplacer par des légumes. « Malheureusement, ils préfèrent souvent ingurgiter des choses bizarres telles que la pizza fromage sans gluten et la bière sans gluten, ce qui peut les amener à perdre de précieuses sources de vitamines B, de fibres et de prébiotiques, et à avoir une grande dégradation de la diversité de leur microbiote », déplore-t-il.
Tim Spector n’est pas le seul à écrire des best-sellers de 400 pages sur ce qui peut paraître le moins intéressant au monde, l’état de nos intestins. Le docteur allemand Giulia Enders, avec Le Charme discret de l’intestin (Actes Sud), vendu à plus d’un million d’exemplaires en France, a largement contribué à mesurer l’importance d’une alimentation favorisant le microbiote et son influence pour rester en bonne santé (lire p. 54). De la même manière, la santé s’ouvre à d’autres spécialités que la médecine. Sociologues et urbanistes par exemple, prennent en compte des facteurs longtemps négligés. Ils ont pris conscience que la sédentarité, par exemple, est un véritable fléau pour les citadins. Un adulte américain marche 6 000 pas par jour alors que des personnes qui ont maintenu un mode de vie agricole ancestral marchent en moyenne 18 500 pas quotidiennement. Rester assis tue autant que le tabac ! Une raison supplémentaire pour arrêter de fumer ou au moins regarder d’un oeil moins suspicieux les applications de coaching santé.