En vue : Bernard Laporte
Désignation du pays hôte du Mondial 2023 de rugby mercredi, rapport très attendu de l’inspection générale sur un favoritisme présumé : à l’heure de la tournée des Blacks en France, le patron de la FFR est sur le gril.
Tout lui a toujours réussi : nommé sélectionneur du XV de France en 1999 (à 35 ans !), il fut propulsé par Nicolas Sarkozy secrétaire d’Etat chargé des Sports en 2007 avant de replacer le RC Toulon, monument en péril, au sommet du rugby européen (trois sacres européens, entre autres, entre 2011 et 2016). Bernard Laporte aurait pu alors se contenter de monnayer ses talents de meneur d’hommes. Il a préféré se lancer un impossible défi : prendre la présidence de la Fédération française de rugby (FFR). Une haute fonction pourtant verrouillée, les hommes en place, adoubant leurs dauphins, étouffant toute velléité d’opposition. Il est pourtant élu dès le premier tour avec 52,6 % des voix. Point d’orgue d’une carrière étourdissante.
Ces succès l’ont persuadé que rien ne pouvait lui résister. A peine en place, « Bernie le dingue » – son surnom – déclare la guerre au rugby professionnel, cherche à soumettre les présidents fortunés des clubs du Top 14. Il remporte les premières batailles mais se fait beaucoup d’ennemis… qui fomentent leur revanche. En août dernier, la presse le pointe du doigt pour une affaire de favoritisme présumé au profit de Montpellier. Il serait intervenu pour que des sanctions envers le club soient clémentes. Or, selon le JDD, via un contrat de 150 000 euros pour quatre interventions en séminaire, il serait lié à l’entrepreneur Mohed Altrad, propriétaire du club héraultais. Le président de la FFR a beau y renoncer, le mal est fait. Une enquête interne est confiée à l’inspection générale de la jeunesse et des sports. Premier faux pas. Le deuxième couac, inattendu, tombe le 31 octobre. Bernard Laporte veut que la France accueille la Coupe du monde de rugby en 2023. Il est sûr de la supériorité du dossier français. Mais World Rugby – la fédération internationale – officialise sa préférence pour l’Afrique du Sud. Une recommandation à l’intention des fédérations qui voteront, mercredi prochain à Londres, pour désigner le pays hôte (l’Irlande postule également). Voyant le revers majuscule se profiler, Bernard redevient Bernie. Dans Le Figaro, il remet en cause la pertinence de l’évaluation. Pointe des « incohérences ». Accuse World Rugby d’avoir enterré le rapport, plus favorable à la candidature française, d’une société d’audit indépendante.
Une attaque en règle qui ressemble à un va-tout. Bernard Laporte espère que les fédérations se rebelleront contre le choix de l’omnipotente World Rugby. Une stratégie risquée. Qu’il l’emporte et son aura rayonnera un peu plus – l’enjeu est majeur tant pour la France, avec des retombées économiques directes évaluées à plus de 1 milliard d’euros, que pour la FFR, dont les comptes flirtent avec le rouge. Mais en cas d’échec, la suite s’annonce périlleuse. D’autant plus que, pour préserver les chances françaises d’accueillir le Mondial 2023, il a été « conseillé » à l’IGJS de ne rendre son rapport qu’après le 15 novembre. Si se confirmait l’existence d’un conflit d’intérêts, la « success-story » de Laporte connaîtrait une fin brutale.