L’éditorial de Guillaume Roquette
Eàn France, « éviter de payer des impôts est un passe-temps national ».
Le constat ne date pas d’aujourd’hui, il est dressé par l’ambassadeur des Etats-Unis à Paris dans un câble envoyé à Washington… en 1974. A l’époque, Jacques Chaban-Delmas était accusé d’avoir échappé à l’impôt sur le revenu grâce
un mécanisme parfaitement légal : l’avoir fiscal. L’affaire lui avait coûté sa candidature à l’Elysée.
Depuis lors, le maquis des mécanismes permettant de payer moins d’impôts n’a fait que croître et embellir. A en croire le projet de loi de finances 2018, on ne dénombrerait pas moins de 457 niches fiscales, un record absolu. Manque à gagner pour les finances publiques : 100 milliards d’euros.
Plutôt que de mettre en place une fiscalité simple et proportionnelle, les pouvoirs publics ont développé une invraisemblable usine à gaz, avec des taux très élevés et une multitude d’exonérations. Du coup, chacun à son échelle, particulier ou entreprise, s’organise pour tâcher de payer le moins possible.
Le système est injuste car plus on est gros, plus on est en mesure de profiter des failles du système. Selon un rapport du Sénat, le taux de contribution fiscale des PME serait ainsi dix fois supérieur à celui des grands groupes.
Ces derniers ont les moyens de s’offrir les conseils de spécialistes et peuvent jouer avec leurs multiples implantations en Europe ou plus au large. Le ministre de l’économie Bruno Le Maire s’en prend violemment cette semaine à l’évasion fiscale, en la qualifiant d’« attaque contre la démocratie ». L’accusation est recevable en cas de fraude mais pas quand il s’agit d’optimisation. On peut difficilement reprocher aux contribuables, qu’ils soient particuliers ou entreprises, d’essayer de payer moins d’impôts par des moyens légaux. Car, même si on peut le regretter, les personnes physiques ou morales qui s’échinent à gagner de l’argent pour le plaisir d’en redonner ensuite le plus possible à l’Etat se trouvent être assez peu nombreuses.
Bruno Le Maire parle aussi de rupture du consentement à l’impôt. Mais ce consentement n’est-il pas d’abord abîmé par les niveaux d’imposition exigés des Français ? Nous avons des taux de prélèvements records tout en étant membres d’une Union européenne ou la concurrence y compris fiscale - est érigée en règle du jeu. Difficile de s’étonner que certains en tirent profit.
Et puis, si la France était bien gérée, peut-être paierait-on ses impôts de meilleure grâce. Depuis mardi dernier, selon une étude de l’Institut économique Molinari, notre administration vit à crédit, ayant épuisé ses recettes de l’année et continuant à dépenser de plus belle. Nous sommes le plus mauvais élève de toute l’Union européenne ; quand les autres Etats ont réussi à diminuer leurs déficits, les nôtres continuent joyeusement à croître : nous vivons à crédit 55 jours par an, c’est trois de plus qu’il y a quatre ans. « Si les emprunts n’ont point de bornes, les impôts n’en auront pas davantage », affirmait un prédécesseur de Bruno Le Maire, l’illustre Colbert. C’est cette spirale infernale de la dette qu’il faut d’abord briser.
PEU DE GENS GAGNENT DE L’ARGENT
POUR LE PLAISIR DE LE REDONNER À L’ÉTAT