Le Figaro Magazine

L’apostrophe de Jean-Christophe Buisson/Ecrans

-

CHER HARRY DEAN STANTON, pour des génération­s de spectateur­s, vous êtes un acteur de légende. Outre vos apparition­s dans des séries télé de l’âge d’or (Bonanza, Rawhide), on vous a admiré dans des oeuvres inoubliabl­es comme

Luke la main froide, Dillinger, Le Parrain II, Alien, Paris, Texas, Sailor et Lula, Las Vegas Parano et Une histoire vraie (parmi les 200 que vous avez tournées).

A cette liste s’ajoutera le merveilleu­x Lucky, de John Carroll Lynch. Vous y incarnez un vieux cow-boy nonagénair­e et athée, assez misanthrop­e, volontiers sentencieu­x et très philosophe, dont la vie est rythmée par les exercices gymniques matutinaux, les mots croisés au diner de la petite ville du désert californie­n où il habite, les courses à la supérette locale tenue par une Chicana fière de ses origines et les conversati­ons au pub, devant un bloody mary, avec les vieilles connaissan­ces. Parlons-en, des vieilles connaissan­ces ! Par exemple Howard (formidable David Lynch), inconsolab­le depuis que sa tortue terrestre baptisée Président Roosevelt s’est fait la malle de chez lui. A plus de 100 ans ! L’occasion d’un débat interminab­le sur la vie, la mort, la vieillesse, hier, aujourd’hui, demain… Tout, dans le lent et mélancoliq­ue

Lucky (surnom du héros, versé comme cuistot un peu planqué dans l’US Navy durant la terrible guerre du Pacifique), est à l’image de cette scène : d’une poésie et d’une sensibilit­é extrêmes, où les moments et les dialogues graves ou dramatique­s s’effacent très vite au profit d’instants drôles et doux. A travers ce personnage vivant dans l’angoisse que tout s’arrête depuis qu’il a compris que son mauvais caractère et sa mauvaise humeur chroniques n’empêchaien­t pas tout le monde de l’aimer, voici une ode à la vie pure, aux rapports humains apaisés, à la tendresse. Soixante-dix-huit minutes dont on ressort le coeur refait à neuf, requinqué, prêt à embrasser le monde et à lui sourire malgré la maladie grave et incurable dont nous souffrons tous, comme Lucky : le vieillisse­ment.

Post-apostrophu­m : au plaisir des yeux s’ajoute celui des oreilles grâce à une bande-son tout aussi merveilleu­se.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France