Livres/Le livre de Frédéric Beigbeder
ÉCLAIRS LOINTAINS. PERCÉE À STALINGRAD, de Heinrich Gerlach, Anne Carrière, 650 p., 24 €. Traduit de l’allemand par Corinna Gepner.
Heinrich Gerlach, Oberleutnant rattaché à la 14e Panzerdivision de la Wehrmacht pendant la bataille de Stalingrad, prévient ainsi ses lecteurs : « Ce livre est un roman. Essayer de trouver des personnes réelles derrière les acteurs de ces événements, à l’exception de ceux qui sont connus de tous, serait sans objet. » Et pourtant tout est vrai. Rien n’est occulté de l’horreur du « chaudron » de Stalingrad. Ni les tirs d’artillerie et les bombardements meurtriers, ni la famine et encore moins les errements du haut commandement de l’armée allemande chaque jour un peu plus aveuglé par la volonté suicidaire d’Adolf Hitler de refuser toute forme de reddition. Confisqué par les services secrets soviétiques en 1949 et retrouvé dans les archives au début des années 90 par l’universitaire allemand Carsten Gansel, ce témoignage terrifiant écrit par Gerlach (1908 -1991) pendant sa longue captivité en URSS est un réquisitoire sans appel sur ce qui fut considéré à l’époque, le 2 février 1943, comme « la plus grande défaite de l’histoire allemande. » Vécu à hauteur d’homme, au plus près des étatsmajors comme dans la boue des combats, Eclairs lointains est le récit bouleversant et méticuleux du lent délitement d’un monde. Après l’ivresse des victoires, soudain, tout s’enlise. Les visages, rongés par le froid et la peur, s’affaissent, les beaux uniformes se fanent. Les héros sont des lâches. L’armée s’enterre et meurt. Bientôt, il n’y a plus rien d’autre que la défaite et la honte d’être encore vivant.
CYRIL HOFSTEIN