L’AMIS DU PETIT DÉJEUNER
Après Martin Amis le pestiféré des lettres anglaises (il a osé quitter le Royaume-Uni, ce n’est pas un fanatique de l’islam et il a écrit un roman sur la Shoah avec des scènes comiques), voici Martin Amis le journaliste. Dans ces reportages, critiques, essais, portraits réalisés pour le Guardian, le Sunday Times, le New Yorker, The Independent, etc., le fils de Kingsley parle beaucoup de littérature, mais s’amuse aussi avec d’autres sujets. Il y a une rencontre intéressante avec Travolta juste après son grand retour (sans suite) via Pulp Fiction, un reportage déprimant sur l’industrie du porno, des pages et des pages sur le tennis, Las Vegas, la princesse Diana, Donald Trump (qu’il ridiculise avec brio sachant qu’on ne peut pas dire qu’Amis soit franchement de gauche). Mais c’est lorsqu’il parle des écrivains que son intelligence diabolique et sa plume affûtée font des miracles : il y est beaucoup question de la littérature juive américaine, en particulier de son héros Saul Bellow (« le plus grand romancier américain du XXe siècle »), de Philip Roth et de John Updike, mais aussi de son dieu Nabokov. Il aime bien Melville mais émet quelques réserves à propos de Moby Dick. « Techniquement, c’est une réalisation unique : pour les quatre cinquièmes, c’est du pur remplissage (pire encore que Don Quichotte). Sauf que, chez Melville, le remplissage est un ballast nécessaire. » Evidemment, cela change de la critique littéraire façon Yann Moix.
La Friction du temps, de Martin Amis, Calmann-Lévy, 459 p., 22,90 €. Traduit de l’anglais par Bernard Turle.