Le Figaro Magazine

CE QUI CHANGE POUR L’USUFRUIT

Depuis le début de l’année, l’usufruit « légal », celui qui résulte d’une succession, n’est plus imposé comme avant. Explicatio­ns.

- ■ MARIE PELLEFIGUE

La dernière loi de finances a modifié les règles de taxation de certains biens immobilier­s démembrés. Il est courant, dans une famille, qu’après un décès, un appartemen­t ou une maison appartienn­e en partie au conjoint survivant et en partie aux enfants. « Le démembreme­nt consiste à décomposer la pleine propriété d’un bien entre la nue-propriété, possession des murs, et l’usufruit, droit d’habiter ou de mettre en location », rappelle Nathalie CouzigouSu­has, notaire à Paris Ve. En général, les biens sont démembrés après le premier décès dans un couple marié. « En présence d’enfants communs, le conjoint survivant peut opter soit pour un quart de l’héritage en pleine propriété, soit pour l’intégralit­é en usufruit », explique Sylvain Guillot-Bataille, notaire à Paris IXe. Attention, en présence d’enfants issus d’autres unions, le conjoint survivant ne peut pas récupérer d’usufruit légal, car le code civil ne lui octroie que la pleine propriété. Pour lui donner un usufruit convention­nel, il faut donc soit réaliser une donation au dernier vivant (ancienneme­nt appelée donation entre époux) devant notaire, soit rédiger un testament.

Les changement­s fiscaux concernant l’usufruit

Jusqu’à présent, « qu’il soit légal ou convention­nel, c’était à l’usufruitie­r de déclarer à l’ISF, chaque année, la valeur du bien en pleine propriété », note Thaline Melkonian, responsabl­e de l’ingénierie patrimonia­le chez Degroof Petercam. S’il dépassait les seuils d’imposition, il devait alors régler le montant de cet impôt. Depuis le 1er janvier, Bercy distingue deux modes d’imposition selon l’origine de l’usufruit. Quand ce dernier a été accordé par donation au dernier vivant ou testament, l’usufruitie­r reste redevable de l’IFI à 100 %. En revanche, « s’il s’agit d’un usufruit légal, le paiement de l’IFI est désormais réparti entre usufruitie­r et nupropriét­aire selon le barème fiscal qui détermine la valeur de l’usufruit », précise Fabien Vatinel, responsabl­e de l’ingénierie patrimonia­le chez Neuflize OBC. Ainsi, un conjoint usufruitie­r de 75 ans sera imposé sur la base de 30 % de la valeur du bien immobilier détenu en démembreme­nt . « Les 70 % restants entreront dans la base taxable du nu-propriétai­re ; s’ils sont plusieurs, ils se partageron­t cette quote-part », précise Thaline Melkonian. Dans notre exemple précédent, deux nus-propriétai­res devront chacun déclarer 35 % de la valeur totale du bien à l’IFI.

Le paiement de l’IFI est désormais réparti entre usufruitie­r et nu-propriétai­re

Quelles conséquenc­es pour votre patrimoine ?

Si vous êtes déjà usufruitie­r, le premier réflexe consiste à déterminer la nature de votre usufruit pour savoir comment le déclarer à l’IFI si vous êtes assujetti à cet impôt. En effet, « la modificati­on fiscale touche tous les usufruitie­rs légaux, et pas uniquement ceux qui récupèrera­ient ce droit après le 1er janvier », précise Thaline Melkonian. Si vous êtes nu-propriétai­re, il est temps également de chercher à évaluer ce que change la réforme pour vous et si vous devenez passible de l’IFI.

Si vous n’êtes pas encore usufruitie­r

et détenez un patrimoine immobilier familial, difficile de savoir si vous serez gagnant ou perdant. Tout dépend de la valeur de votre base imposable à l’IFI, du nombre de nus-propriétai­res et de leur patrimoine taxable. Demandez des simulation­s à votre notaire ou conseiller financier pour calculer l’impact de cette réforme sur votre patrimoine et celui de vos enfants. Quel que soit le résultat, ne renoncez pas à prendre des dispositio­ns en faveur de votre conjoint : le jour de votre décès, même en présence d’un testament ou d’une donation au dernier vivant en sa faveur, il pourra toujours opter pour sa seule part légale. « Le plus important est de se donner le maximum de souplesse en réfléchiss­ant d’abord sur un plan civil et non uniquement avec un but fiscal », ajoute Fabien Vatinel. D’autant que, si vous vivez encore de longues années, une nouvelle réforme pourrait mettre à mal votre stratégie.

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