“LES DIKTATS DES MINORITÉS L’EMPORTENT SUR LA DÉMOCRATIE”
Pour ce libéral convaincu, la soumission aux normes édictées par certaines minorités très actives est dangereuse pour la majorité parce qu’elle réduit la liberté d’action et restreint la pluralité de pensée.
Le Figaro Magazine – Est-on de moins en moins libre ? Robin Rivaton * – Dans la période moderne, la tendance de l’Etat ou, le cas échéant, du législateur, est plutôt de restreindre que d’interdire. Il fixe des plafonds, comme la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire, ou des planchers, comme cinq fruits et légumes par jour. Certes, c’est une prescription, pas une loi ni un règlement, mais ce genre de message fait partie de l’arsenal dont dispose la puissance publique pour définir ce qu’elle considère comme un « bon usage » de la liberté, pour le bien des individus. Comme si les gens n’étaient pas capables d’en user raisonnablement et qu’il fallait établir des normes pour leur éviter de se nuire.
Comment situer la frontière entre la protection de l’individu et l’atteinte à ses libertés ?
Parfois, la règle découle de faits scientifiques, mais elle peut aussi être l’expression d’une morale édictée par un groupe particulier de citoyens, sans que son bien-fondé ait été totalement démontré, comme dans le cas de la limitation de vitesse maximale. La rapidité de diffusion et la capacité des réseaux sociaux à surreprésenter des groupes minoritaires créent de nouveaux interdits. Ces réseaux provoquent un phénomène d’amplification qui se répercute généralement dans les médias traditionnels. La conséquence, c’est que la réprobation publique au nom de cette morale particulière se fait beaucoup plus rapidement. Et l’Etat ne montre pas une grande capacité de résistance à ces mouvements d’opinion…
L’Etat n’est pas le seul à édicter des interdits…
Non, les restrictions qui proviennent du droit sont même assez limitées, du moins en ce qui concerne l’essentiel je ne parle pas de l’accumulation de règlements tatillons dans la vie quotidienne, même s’ils peuvent irriter ! En revanche, on observe un développement exponentiel du « politiquement correct » qui produit une autocensure au nom d’une morale édictée pour l’essentiel sans la contribution de la majorité des citoyens. Les diktats des minorités l’emportent sur la démocratie. Ce phénomène est extrêmement dangereux parce qu’il réduit la liberté d’action et, surtout, la pluralité de pensée. Or une société qui s’interdit la pluralité de pensée s’ampute d’une partie de sa capacité à imaginer le futur.
PROPOS RECEUILLIES PAR J. W. * Essayiste, auteur de Quand l’Etat tue la nation (Plon 2016).