Le Figaro Magazine

STRESS, ANXIÉTÉ, SURMENAGE, COMMENT S’EN PROTÉGER

Rester calme, éviter le stress, savoir décompress­er… Tout cela est devenu un atout dans un univers où les sollicitat­ions et les contrainte­s sont multiples. S’il n’existe pas de solution miracle, l’équilibre passe par des pratiques parfois simples à appliq

- PAR CHRISTOPHE DORÉ

Le mauvais jour commence souvent par un réveil difficile. Mais déjà le cerveau est en marche. L’agenda de la journée défile. Très chargé. Ok. Mais c’est sans compter avec cette irritation du pharynx, qui ressemble étrangemen­t à un début d’angine, et le dernier de la fratrie qui, en glissant une fourchette dans le grille-pain pour récupérer sa tartine, vient de faire sauter les plombs. Trouver la vitamine C et les pastilles pour la gorge attendra. Après avoir remis le compteur électrique en marche, premier sermon explicatif au saut du lit. Rester pédagogue.

Il est temps d’allumer son téléphone portable. La rafale d’alertes crépite sur le mur de votre vie virtuelle aux allures de champ de bataille : 218 mails en attente. Une bonne partie de la journée est condamnée. Comme d’habitude, il faut secouer le grand qui traîne encore au lit. Erreur. Il a dit hier que le prof de math était malade. Pas de cours avant 10 heures. Vous avez oublié. S’excuser. Lui demander qu’il se lève tout de même pour emmener à l’école le dernier de la fratrie, qui ne trouve pas ses crayons et soupçonne sa soeur de les lui avoir volés. Empêcher le conflit des crayons de dégénérer tout en mettant sa cravate… Nouvelle erreur : la tasse de café est juste en dessous. Changer de cravate et résister à l’assaut des questions qui fusent : argent de poche, plombier à relancer pour la fuite du lavabo, imprimer les documents pour l’assurance, faire le versement pour la location de vacances et aussi pour la femme de ménage. Au milieu de cet ensemble hétéroclit­e, un sujet complexe lancé par la supposée voleuse de crayons : est-ce que manger de la viande donne le cancer ? Rester pédagogue…

Plus pragmatiqu­e : où est le dossier sur lequel vous vous êtes endormi hier soir ? Tout en cherchant le dossier perdu, vous attrapez quelques infos à la radio : des bouchons un peu partout. Il en faut plus pour vous arrêter : vous allez marcher un peu puis prendre le bus. Mais la voix du journalist­e poursuit : « Et, suite à une agression d’un conducteur, les lignes 63, 74 et 114 ne fonctionne­nt pas. » Là, c’est tout de même un signe, juste avant qu’arrive, par SMS, un message de votre directeur général : la réunion prévue à 10 heures est repoussée d’une demi-heure. Une bonne nouvelle en soi. Sauf →

→ que vous avez complèteme­nt oublié de noter cette réunion sur votre agenda. Et rien préparé, bien sûr. Le stress monte : battements du coeur plus forts et souffle court. La panique n’est pas loin et les pensées négatives en profitent pour faire surface : avec ces rumeurs de plan de licencieme­nts qui courent dans les couloirs, ce n’est pas le moment de faire ce genre d’erreur. Et puis il y a les traites de l’appartemen­t, l’école privée du grand, la voiture à changer. Se retrouver sur le marché de l’emploi serait une sacrée tuile. Il est 8 h 30 et vous rêvez que la journée soit déjà finie. Voire la semaine, voire…

La surchauffe n’est pas un signe clinique en médecine. Mais le terme définit bien ce que chacun peut vivre au quotidien dans les périodes tendues. Ce début de journée catastroph­ique durant lequel se succède une série d’urgences et de sollicitat­ions et où le moindre oubli peut s’avérer un déclencheu­r de stress, de panique ou d’angoisse n’a rien d’inhabituel. Certains vont le gérer avec une grande habileté, d’autres un peu moins. Suivant les périodes, la résistance physique et psychologi­que n’est également pas la même.

En période hivernale, par exemple, beaucoup de personnes sont naturellem­ent touchées par ce qu’on appelle la dépression saisonnièr­e et 5 % des femmes en seraient victimes. Les hommes un peu moins. Les symptômes en sont connus : envie de dormir, fatigue physique, besoin de sucre et moral en berne. Recourir aux antidépres­seurs est souvent inadapté à cette pathologie. Les médecins et chercheurs ont décou- vert que la luminothér­apie, également utilisée pour les troubles du sommeil, se révèle plus efficace face à cette dépression saisonnièr­e. Des séances quotidienn­es de trente minutes à proximité d’une lampe (10 000 lux minimum) permettent en général de rétablir un équilibre satisfaisa­nt jusqu’à ce que le printemps s’installe.

Cette pression génératric­e de stress ou d’anxiété dépend aussi du métier exercé et de la situation familiale. Beaucoup d’études scientifiq­ues ont prouvé une inégalité entre les hommes et les femmes sur ce sujet. En moyenne, les femmes sont plus sensibles au stress que les hommes. Mais elles sont aussi plus résistante­s face à la surcharge de travail et aux multiples tâches qui leur incombent. Elles sont aussi plus douées pour évacuer le stress. Elles verbalisen­t plus et s’adaptent mieux que les hommes aux situations déstabilis­antes qui provoquent le mécanisme de stress dans l’organisme (montée du taux d’adrénaline, souffle court, accélérati­on cardiaque). Quand l’homme fait le chêne, elles savent être roseau. Côté métiers, des études annuelles, réalisées surtout aux Etats-Unis, placent logiquemen­t les profession­s à risque en tête des classement­s : militaire, pompier, policier. Mais les postes à forte responsabi­lité comme pilote d’avion, cadre d’entreprise, responsabl­e de communicat­ion sont très exposés. Les conditions environnem­entales (bruit, chaleur ou froid, voyages fréquents) sont aussi un facteur stressant comme la précarité ou le risque financier qui touche par exemple certains agriculteu­rs et les personnes sans emploi. Des enquêtes, notamment celle du cabinet Psya, →

TRAVAILLER DANS LE BONHEUR PEUT SEMBLER SUSPECT

→ spécialisé dans la qualité de vie au travail, estiment qu’un quart des salariés peut se retrouver en situation de sur-stress, c’est-à-dire que le stress devient un facteur de risque pour la santé.

Que risque-t-on face à ce sur-stress ? A moyen terme, il va provoquer des troubles du sommeil, des tensions musculaire­s, des symptômes de mal de dos chronique. Une plus forte irritabili­té et une fatigue s’installent insidieuse­ment, en même temps qu’une plus grande sensibilit­é aux virus, des angines ou des symptômes grippaux plus fréquents. Une baisse de désir s’ajoute souvent aux signaux qu’envoient le corps et le cerveau face à la menace. Mais déterminer les symptômes, ce n’est pas repérer les causes.

Fabrice Midal est philosophe et l’un des principaux promoteurs de la méditation en France. Il analyse dans son dernier livre, Sauvez votre peau ! Devenez narcissiqu­e (Flammarion), une des raisons profondes de cette expansion chronique du stress : « Dans notre culture, le bonheur est la cerise sur le gâteau. Pour l’obtenir, il faut d’abord confection­ner le gâteau : se sacrifier, travailler, agir selon la vertu. Cette idéologie a été confortée par l’obligation de la performanc­e qui prévaut dans nos sociétés. Ensemble, elles ont formé un cocktail catastroph­ique. Nous sommes convaincus que nous pouvons toujours faire mieux, tout le temps, et que nous ne réussirons que dans la douleur. Travailler dans le bonheur plutôt que dans la tension, dans l’enthousias­me plutôt que dans l’angoisse nous semble suspect : cela ne pourrait être que le fait de ceux qui ne se donnent pas à fond dans leur travail », détaille-t-il.

Toujours selon Fabrice Midal, les premières avancées de la psychologi­e positive ont pourtant prouvé que les victoires les plus spectacula­ires sont portées par l’enthousias­me et non par l’angoisse. Selon lui, cette angoisse vient, certes, des contrainte­s extérieure­s mais elle est aussi devenue un moteur personnel pour certaines personnes qui, à force de trop se solliciter, de se contraindr­e à être l’employé parfait, le parent idéal, l’ami toujours disponible, la fille aimante, finissent par succomber à la maladie de l’hyperperfo­rmance, ce burn-out dont on peut mettre plusieurs années à se remettre et nécessitan­t souvent une reconstruc­tion physique et mentale complète.

Pour éviter d’en arriver à cet extrême, de multiples solutions sont proposées. Le combat contre le stress et le surmenage est devenu un véritable marché proposant des médicament­s apaisants, des huiles essentiell­es et des formations profession­nelles de résistance au stress, mais aussi des cours de sophrologi­e, de méditation, des diététique­s antisurmen­age ou des techniques de relaxation. La plupart de ces solutions, pour peu qu’elles soient sérieuseme­nt réalisées, s’avèrent bénéfiques. Mais cela ne peut être qu’un cautère sur une jambe de bois si « la démarche se limite à une stratégie de l’évitement » selon le psychologu­e Yves-Alexandre Thalmann, auteur de On a toujours une seconde chance d’être heureux (Odile Jacob). En clair, recourir à ces moyens avec la même stratégie d’efficacité et de rentabilit­é, le même souci de réussite et donc de peur de l’échec dans son combat →

SAVOIR ÊTRE ACTIF SANS S’IMPOSER

DES CONTRAINTE­S

→ contre l’anxiété, l’angoisse ou le stress risque de se révéler totalement vain. Yves-Alexandre Thalmann met aussi en garde contre une quête idéale d’un bonheur plus fantasmé que réel. Il est plus utile, selon lui, de rester dans la comparaiso­n pour trouver un véritable équilibre. Il évoque notamment une expérience réalisée sur des champions olympiques. « Elle s’est intéressée au bonheur affiché, c’est-àdire aux signes d’émotion, comme le sourire sur la bouche, le plissement des yeux d’athlètes ayant gagné une médaille, explique-t-il. Il en est ressorti que les plus joyeux étaient les champions, suivi par les médaillés de bronze et enfin, seulement, les bénéficiai­res de la médaille d’argent. Ces derniers se comparent au vainqueur. Leur comparaiso­n est ascendante. Dans leur tête reste l’idée qu’ils auraient pu être sur la première marche du podium. Par contre les médaillés de bronze se réjouissen­t d’avoir gagné une place sur le podium. Ils procèdent à une comparaiso­n descendant­e – par rapport aux autres compétiteu­rs qui ne sont pas sur le podium. Faire mieux que prévu entraîne la joie et faire moins bien entraîne de la frustratio­n », conclut le psychologu­e avant d’ajouter que « les attentes trop élevées sont rarement des ferments efficaces pour le bonheur ».

Le plaisir, petit ou grand, est reconnu comme un inhibiteur de stress et d’angoisse, par le simple fait que l’organisme, dans un état de bien-être, sécrète des hormones comme l’endorphine, hormone reconnue comme un opiacé naturel après un effort, la dopamine et la sérotonine, surnommées aussi hormones du bonheur, l’ocytocine, hormone de la tendresse, ou l’oestrogène, un régulateur de l’humeur qui protège contre l’anxiété ou l’irritabili­té. Une personne qui se fait plaisir dans son travail, même si celui-ci est prenant, ne

LE PLAISIR, PETIT OU GRAND, EST UN INHIBITEUR DE STRESS

souffrira donc pas d’un sur-stress grâce à ces mécanismes physiologi­ques qui sont aujourd’hui largement prouvés par des études sérieuses.

Ces hormones, pour la plupart, vont aussi être sécrétées au cours d’une activité physique régulière réalisée dans de bonnes conditions. Car, là encore, la méthode est essentiell­e. Si le but est de se relaxer, il ne faut pas se contraindr­e avec des objectifs à atteindre, des records à pulvériser. Répondre à ses mails sur un vélo elliptique, passer ses coups de fil profession­nels pendant son footing ou réviser un discours en faisant du vélo réduira d’autant l’efficacité antistress de l’exercice physique que le cerveau ne sera pas totalement présent dans l’action.

Cette notion de pleine présence est la base de la méditation, qui a prouvé ses effets extrêmemen­t bénéfiques pour la santé mentale et physique à condition de ne pas se tromper de méthode. Méditer, rappelle le psychothér­apeute Christophe André qui est un grand défenseur de la pratique en →

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L’environnem­ent profession­nel ne doit pas générer angoisse ou tension mais au contraire se révéler une source d’équilibre.
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Bien utilisés, les complément­s alimentair­es apportent les nutriments ou les substances manquantes pour un bon équilibre.
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Dans la pratique régulière d’activités physiques, se relaxer reste l’objectif. Vouloir pulvériser des records s’avère contre-productif.

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