OÙ L’ON REPARLE D’INFLATION
On l’avait oubliée. Après des années de lutte contre la déflation, de prix contenus, de baisse des taux d’intérêt et de salaires gelés, l’inflation semblait avoir disparu. « Les investisseurs et les décideurs politiques se sont tellement habitués à l’inflation faible qu’une inversion de tendance pourrait constituer une mauvaise surprise. L’inflation n’est pas morte. Elle n’était qu’en sommeil », rappelle Patrick Zweifel, chef économiste chez Pictet AM. Comme souvent, c’est des Etats-Unis que vient le changement. Sur un an, l’indice américain des prix à la consommation a progressé de 2,1 %, un peu au-dessus de la cible de 2 % de la FED. Ce n’est pas grand-chose, mais les professionnels s’interrogent. La Banque centrale américaine relèvera-t-elle plus rapidement ses taux, prenant acte de cette nouvelle conjoncture ? Les paris sont ouverts et les investisseurs sont nerveux.
L’économie mondiale est repartie et les taux commencent à se tendre. Rien d’alarmant : en France, l’OAT 10 ans rapporte seulement 1 %, mais aux Etats-Unis les bons du Trésor à 10 ans avoisinent 2,8 %. La tendance est en train de s’inverser. D’autres signes le montrent : les salaires des Américains ont augmenté de 2,9 % en janvier, du jamais-vu depuis près d’une décennie. Les métallurgistes allemands ont obtenu de substantielles hausses de leur rémunération et, en France, les entreprises sont plus enclines à augmenter le salaire des cadres. Comment les Bourses vont-elles réagir à cette nouvelle ère de remontée des taux ? Et notamment la place américaine ? « Avec un taux de chômage aussi bas, une croissance fortement stimulée par les réductions d’impôts et les augmentations de dépenses annoncées, l’inflation a toutes les chances de reprendre. Cela pourrait déclencher de nouveaux retraits sur les marchés alors que les investisseurs s’inquiètent du niveau des taux d’intérêt américains » expli- que Luke Bartholomew, stratégiste chez Aberdeen Standard Investments. Pour beaucoup, un recul des indices, surtout européens, serait un signal pour réinvestir.
Les experts ne sont pas alarmistes. « La correction des marchés d’actions, aux Etats-Unis et dans la zone euro, pourrait être modérée » estime Patrick Artus, chef économiste de Natixis. Pour l’heure, il ne fait toutefois pas bon faire ses comptes : selon Europerformance, les sicav actions (tous marchés confondus) ont perdu 4 % depuis le début de l’année (chiffres arrêtés au 9 février), les sicav actions françaises chutant de 3 % et les américaines de 4,6 %, tandis que les fonds obligataires reculaient de 1,41 % .