CÉCILE DE FRANCE, DANS LE BAIN DU GRAND “BLUE”
Le nouveau film Disneynature mêle des images sous-marines étonnantes à une histoire émouvante racontée par Cécile de France. Avant sa sortie en salles, le 28 mars, nous avons accompagné l’actrice à Tahiti pour découvrir avec elle l’un des éblouissants déc
LA NATURE A TANT D’HISTOIRES À NOUS RACONTER…
DU DAUPHIN SAUVAGE, LE FILM A FAIT SON HÉROS
Le geste est un peu hésitant mais le visage, à moitié mangé par un masque de plongée, laisse apparaître un ravissement enfantin. Dans les eaux turquoise du lagon au large d’Haapiti, sur l’île de Moorea, Cécile de France caresse, entre ses deux yeux – et deux rires nerveux –, la peau visqueuse d’une raie pastenague. L’étonnant poisson plat semblant apprécier le contact avec la star, il est vite rejoint par une demi-douzaine de congénères aussi curieux que lui. L’agitation attire soudain l’attention d’un groupe de requins à pointes noires qui nagent à quelques coups de queue de là. Leur taille (un mètre environ) n’est pas impressionnante mais leur morphologie ne laisse planer aucun doute sur l’espèce menaçante à laquelle ils appartiennent. L’actrice est bluffée par le défilé d’ailerons qui avancent en file indienne dans sa direction. Mais celle qui baigne dans le milieu du spectacle depuis vingt-six ans n’a vraisemblablement plus peur des requins… A moins que ce ne soit la présence de ses deux « gardes du corps », Keith Scholey et Denis Lagrange, qui la rassure : le sexagénaire britannique est un célèbre réalisateur de documentaires animaliers issu de la BBC et le Français un chef opérateur sous-marin expérimenté affilié à l’agence cinématographique AFC. Avec ces deux talents de l’image, Cécile de France forme l’équipe de choc de Blue, le film subaquatique de Disneynature auquel elle prête sa voix. Eduquée dès son plus jeune âge à la préservation de l’environnement, la jolie Belge n’a pas hésité une seconde lorsque l’équipe de Disneynature lui a proposé de narrer l’histoire de sa nouvelle production. Si, pour elle, l’écologie est « plus une façon de vivre qu’un combat », ce rôle avait un sens : « A travers mes choix de films et ce que j’exprime dans le jeu ou par la voix, selon l’énergie, la sincérité et l’émotion que je vais y mettre, je peux être amenée à défendre une cause. » En l’occurrence, dans Blue, la protection de l’océan Pacifique et notamment des récifs coralliens nécessaires au maintien de la biodiversité. Avec des moyens techniques toujours plus novateurs et le procédé de narration qui a fait le succès des documentaires de la maison, le film invite à suivre Blue, un jeune dauphin embarqué par ses aînés dans un voyage initiatique. L’occasion de rencontrer, de jour comme de nuit, des individus aussi étonnants que cette baleine à bosse qui, après avoir parcouru des milliers de kilomètres, rejoint ce lieu préservé pour donner naissance à son petit, ou ces centaines de requins et d’orques qui patrouillent et surgissent de nulle part. Là est la singularité de Disneynature : « Emerveiller le public avec des histoires vraies et touchantes que seule la nature est capable de créer pour contribuer à éveiller les consciences sur la beauté et la fragilité de notre environnement. »
Après Félins, Chimpanzés, Grizzly ou L’Empereur, Blue est la neuvième oeuvre du label créé en 2008 par Jean-François Camilleri. Ecologiste convaincu, le président de The Walt Disney Company France – qui a, depuis, ajouté à ses fonctions la direction générale des départements Benelux, Maghreb et Afrique francophone – avait à coeur de fonder une filiale dans la lignée des True-Life Adventures que produisit luimême Walt Disney pour la télévision ou le cinéma entre 1948 et 1960. En allant chercher les plus grands spécialistes du genre, il a fait la connaissance de l’Anglais Alastair Fothergill qui a réalisé le premier film « maison », Un jour sur terre, et de son binôme Keith Scholey, avec qui il a noué une amitié féconde. Ce docteur en zoologie de l’université de Bristol, qui dirigea les départements sciences, arts, business, →
→ histoire, religions et histoires naturelles de la BBC avant de monter avec son partenaire la société de production Wild Horizons, voue une reconnaissance sincère à Camilleri. « Quand Jean-François est venu me chercher pour travailler sur ses films, il m’a sauvé ! assure-t-il. Comme beaucoup de gens, à force de gravir les échelons d’une entreprise, j’avais fini par me retrouver derrière un bureau à gérer ceux qui avaient la chance d’exercer sur le terrain ma première passion : mettre en scène des documentaires animaliers. Mais, grâce à lui, sur les cinq films que nous avons coproduits, j’en ai réalisé trois : Félins (qui est, à présent, le plus gros succès commercial de Disneynature, ndlr), Grizzly et maintenant Blue. »
A quelques semaines de la sortie du film sur nos écrans,
l’équipe a embarqué à bord d’un Airbus A340 d’Air Tahiti Nui pour atterrir, après vingt-quatre heures de voyage, sur le lieu où Keith Scholey et ses spécialistes ont notamment pu filmer les baleines à bosse. En cette période hivernale, l’imposant mammifère (sur la balance, il affiche entre 23 et 36 tonnes) explore d’autres fonds que ceux de Tahiti mais Cécile de France peut compter sur les récits épiques de ses compères pour revivre avec eux la mise en oeuvre de ce projet qui a nécessité six mois de préparation, un an de tournage et trois cent cinquante heures de postproduction. Des EtatsUnis à l’Egypte en passant par le Mozambique, la Malaisie, l’Afrique du Sud ou l’Australie, ils ont fait escale dans une dizaine de pays pour filmer les scènes de vie sous-marine dans les meilleures conditions de visibilité possibles. Les spectateurs auront ainsi la chance d’approcher de très près requins-tigres, orques, squilles multicolores, poissonsperroquets à bosse, rascasses volantes ou tortues vertes. Tous tiennent un rôle comique, énigmatique ou de superhéros dans les aventures que vivront Blue et sa famille. « Suivre un dauphin sauvage, ne serait-ce qu’une minute, n’est pas mince affaire, avoue Keith Scholey. Sous l’eau, nous sommes limités par le temps mais surtout par les animaux. Or, si un dauphin s’approche volontiers, il peut aussi disparaître en une seconde et devient impossible à suivre. »
« C’est pour cela qu’on a besoin de temps, renchérit Denis Lagrange, le directeur de la photographie. Mais Keith, conscient que c’est la base d’un bon documentaire, nous a offert ce luxe. Pour décrocher les images des baleines à bosse, par exemple, il nous a fallu attendre trois ou quatre semaines. On les suivait des heures durant sans se mettre à l’eau, écoutant leur dialecte – un chant propre à chaque population. Certains plongeurs sautaient parfois du bateau, équipés seulement d’un masque et d’un tuba pour repérer la situation et appréhender leur comportement. Cela permettait aux baleines de se familiariser à notre présence. Et, une fois que nous avions gagné leur confiance, nous plongions équipés de recycleurs de 35 kilos, ces bouteilles spécifiques qui ne libèrent pas de bulles et ne font pas de bruit, pour les suivre un petit moment. » La conversation s’interrompt lorsque le trio est appelé à rejoindre le bateau. Il est attendu sur un motu, un de ces îlots de sable corallien formés sur la couronne récifale de l’atoll, pour savourer en pleine nature un déjeuner local. Au menu : thon cru à la tahitienne, poulet au citron et ananas fraîchement coupé. La végétation luxuriante forme un contraste
LES BALEINES JOUENT UN RÔLE ÉCOLOGIQUE CRUCIAL
saisissant avec l’eau transparente du lagon. En dégustant avec appétit son repas, vêtue d’une combinaison de néoprène, Cécile de France parle plongée avec le spécialiste Denis Lagrange. Ici, l’expérience est incontournable : dans les fonds marins alentour, les « grosses patates coralliennes » forment le point de ralliement des plus beaux poissons. Anges royaux, ratons laveurs, nasons à éperons bleus, clowns tomates et balistes bleus déambulent à fleur de corail. Parmi eux, un poisson-perroquet à bosse usine en profondeur. « Cette espèce agit en véritable jardinier pour le récif. Tous les ans, chaque individu ingère jusqu’à 5 tonnes de corail. Il broie le squelette calcaire pour en extraire les algues puis le rejette sous forme de sable pour façonner ces fabuleuses plages coralliennes », explique Paul Collins, l’un des plongeurs. Comme dans l’écosystème, cet individu tient, dans le film, un rôle important. Il faut dire que ses airs de Quasimodo en font un personnage étonnant. Imposant par sa taille (70 à 100 kilos pour 130 centimètres de long) et étrange par l’excroissance qui surmonte son front, ce poisson qui naît souvent avec un sexe féminin avant de se métamorphoser en mâle ne fait pas dans la dentelle lorsqu’il s’agit, adulte, de trouver les faveurs d’une femelle.
Assister à un tel spectacle ne peut que renforcer
les convictions de sauvegarde de l’océan, poumon bleu de notre planète qui, avec son homologue vert et terrestre (la forêt), fabrique l’oxygène que nous respirons et s’impose comme le berceau de vie de 300 000 espèces. Pourtant, « la température qui grimpe, la pollution, la destruction pure et simple, la montée →
→ du niveau de la mer, l’acidification des eaux et la surpêche sont autant de menaces », assure Gilles Boeuf, biologiste et conseiller scientifique pour l’écriture des textes du film. Selon Greenpeace, 100 000 mammifères marins meurent chaque année à cause de l’ingestion de plastiques ou des produits chimiques que ceux-ci dégagent. L’occasion pour Cécile de France de rappeler la règle des 5 R à laquelle elle tente de s’astreindre le plus fréquemment possible : « Refuser, réduire, réutiliser, recycler et rendre à la Terre, voilà les maîtres mots de l’engagement écologique. J’essaie de les respecter en déclinant les sacs plastiques que l’on me propose, en favorisant la location de matériel pour réduire mes achats, en recyclant mes déchets et en faisant du compost, assure l’actrice. Mais je ne suis pas irréprochable et j’ai encore à apprendre. Ici, par exemple, j’ai découvert que, si le plastique ne se recycle qu’une seule fois, l’inox est réutilisable à l’infini. »
L’attrait que la comédienne montre pour la nature n’est pas feint.
En témoigne sa curiosité envers les modes de préservation. Par exemple lorsqu’on lui propose une visite de Te mana o te moana, cette association qui veille au maintien des espèces menacées et plus particulièrement des tortues. Dans l’une des cahutes des jardins de l’hôtel InterContinental Moorea Resort & Spa qui héberge le programme, la star est accueillie à bras ouverts par Cécile Gaspar, la présidente. « Nous menons depuis treize ans des actions en Polynésie française en fonction de trois domaines : la conservation, la recherche et l’éducation. » En 2004, cette vétérinaire titulaire d’un doctorat en écologie marine et ses fidèles bénévoles ont favorisé l’ouverture d’un centre de soins pour tortues marines. Elles ont beau être protégées, le braconnage et la pollution en font encore des espèces mondialement menacées d’extinction. Dans une partie de la lagune que l’hôtel a réservée à ses « patientes », quelques tortues vertes et imbriquées, blessées par des fusils harpons profitent de leur convalescence avec une tortue olivâtre (le seul individu de cette espèce recueilli au centre) et une caouanne. Certaines, comme la doyenne, finiront leurs jours ici mais la plupart sont vouées à recouvrer la liberté. C’est le cas de Tehoro, une tortue verte juvénile secourue il y a dix-huit mois par un pêcheur en poti marara alors qu’elle flottait au large de Mataiea. Affaiblie, sans énergie et entourée de requins, elle a aujourd’hui retrouvé suffisamment de couleur et d’autonomie pour affronter son milieu naturel. Reste plus qu’à attendre un temps clément pour s’embarquer dans l’aventure. Or, pour l’heure, le vent souffle et l’orage menace. Rendez-vous est pris avec Cécile de France pour le surlendemain.
Entre-temps, l’actrice en profitera pour faire la connaissance d’autres bienfaiteurs qui oeuvrent au quotidien pour maintenir la beauté des décors naturels dont le cinéma de Keith Scholey s’est emparé. Parmi eux, une rencontre inoubliable avec les créateurs de l’association Moorea Coral Gardeners. Il faut dire que Titouan, son président, âgé de 19 ans, impose le respect. Le garçon, qui a vu le jour sur un atoll de l’archipel des Tuamotu, a décidé, après un passage en école de commerce à Bordeaux, d’embarquer ses « boys » (des surfeurs de 15 à 25 ans) dans une opération visant à replanter du corail. Levée de
BEAUCOUP, ICI, OEUVRENT POUR LA PRÉSERVATION DE LA NATURE
fonds, parrainages, communication… En usant des outils du parfait petit entrepreneur, il contribue à la préservation de l’océan. Pour tous ces acteurs, Blue apparaît comme une vitrine essentielle de la beauté et de la fragilité de notre environnement. Disneynature, de son côté, multiplie les collaborations avec de nombreuses associations.
Et, avec ce nouveau documentaire, la firme aux grandes oreilles clôt une trilogie autour du Pacifique lancée par deux films d’animation récents : Le Monde de Dory et Vaiana. La légende du bout du monde. « Les productions successives de ces trois longs-métrages m’ont inspiré la création d’Oceans by Disney, qui soutient l’expédition Tara Pacific pour l’étude du corail », explique Jean-François Camilleri.
Mais revenons à nos poissons. L’heure de remettre Tehoro en liberté a sonné. En acceptant d’être sa marraine, Cécile de France a promis d’être au rendez-vous. Sur la plage, la tortue grosse d’une quarantaine de centimètres de diamètre patiente dans un linge mouillé. Elle a été baguée et la photo de son profil a été imprimée – comme nos empreintes digitales, le dessin de ses écailles est unique. L’actrice, un brin intimidée, l’attrape par la carapace et se dirige vers l’eau. En quelques battements de nageoires, l’animal rejoint le large sous les applaudissements émus des soigneurs qui l’ont choyé pendant un an et demi. En suivant le courant, elle arrivera aux îles Fidji où elle restera une douzaine d’années avant de revenir pondre ici. Peut-être, qui sait, sous les yeux de sa marraine « de France ». ■