L’éditorial de Guillaume Roquette
Cette fois, on y est. En supprimant aux futurs salariés de la SNCF le statut de cheminot, Emmanuel Macron a déclaré la guerre aux centrales syndicales. Et la riposte ne s’est pas fait attendre : de la CGT à la CFDT, de FO à Sud-Rail, c’est l’union sacrée contre le gouvernement. Pas touche aux avantages acquis ! Aucun syndicat ne s’est interrogé - ne serait-ce qu’un instant - sur la légitimité de ce combat. Tous semblent prêts au contraire à paralyser le pays pour défendre des privilèges objectivement exorbitants (retraite à partir de 52 ans, emploi à vie, avancement automatique…), sans même se donner la peine d’expliquer au nom de quoi un conducteur de train devrait être à ce point favorisé par rapport à un chauffeur de bus ou n’importe quel autre salarié du secteur privé. Et si encore la SNCF était rentable, on pourrait accepter une telle inégalité, mais notre société nationale produit (si l’on peut dire) 2,5 à 3 milliards de dette supplémentaire chaque année. Concrètement, les chemins de fer coûtent à chaque Français, même ceux qui ne prennent jamais le train, 340 euros par an. Si les syndicats avaient un tant soit peu le souci des contribuables, ils se demanderaient comment faire cesser cette anomalie, au lieu de prétendre qu’« on crache à la figure des cheminots », comme l’affirme le patron de la CFDT, Laurent Berger, que l’on a connu moins caricatural. Soyons justes, la dette abyssale de la SNCF n’est pas le seul fait de son personnel. Le développement inconsidéré du TGV y a sa part, de même que les pertes générées par les petites lignes peu empruntées. Mais on peut considérer que la grande vitesse comme la desserte des gares secondaires contribuent à l’aménagement du territoire, et qu’elles relèvent des missions de service public, même au prix d’un déficit. En revanche, on ne voit pas pourquoi le contribuable devrait financer le surcoût de 30 % (estimation du rapport Spinetta) engendré par le statut en or massif des cheminots.
Au lieu de menacer les Français d’un blocage du pays, et de s’opposer à un pouvoir démocratiquement élu alors qu’ils ne représentent même pas un salarié sur dix, les syndicats pourraient au moins reconnaître qu’ils s’en sortent plutôt bien dans ce dossier. Le gouvernement ne va ni fermer de lignes ni ouvrir au privé le capital de la SNCF. Il va continuer à assurer les fins de mois de notre système ferroviaire. D’autant que l’abandon du statut pour les futurs embauchés mettra des années avant de produire ses effets dans l’amélioration des comptes de l’entreprise. Ajoutons que cette réforme n’est pas un drame : La Poste comme Orange (ex-France Télécom) y ont déjà eu recours, sans que cela empêche ces sociétés de tourner.
Comment, alors, expliquer ce jusqu’au-boutisme des syndicats ? Sans doute par leur conviction que le système qu’ils défendent n’est pas viable dans une économie ouverte. Ils le savent mais veulent résister au changement jusqu’au bout. Cette stratégie a un nom : la politique du pire.
IGNORENT-ILS QUE LA DETTE DE LA SNCF AUGMENTE DE 3 MILLIARDS CHAQUE ANNÉE ?