De notre correspondant... Jordan Peterson
Le 16 janvier dernier, la chaîne britannique Channel 4 met en ligne, sur son compte YouTube, l’interview du professeur canadien Jordan B. Peterson par la journaliste Cathy Newman. La séquence d’une demi-heure sera visionnée près de 8 millions de fois (plus encore si l’on compte les diffusions des extraits) et donnera lieu à des dizaines d’articles dans le monde de la presse anglo-saxonne. « C’est l’une des confrontations les plus dévastatrices que vous puissiez voir », commentera David Brooks, un éditorialiste du New York Times.
Qui est Jordan Peterson, et pourquoi cause-t-il tant d’émoi ? Auteur notamment de 12 Rules for Life : an Antidote to Chaos, qui apparaît dans plusieurs listes de best-sellers, cet universitaire de 55 ans est diplômé d’une double licence en sciences politiques et en psychologie de l’université d’Alberta. Il détient églement un doctorat en psychologie clinique de l’université McGill. Professeur titulaire à l’université de Toronto, il a passé cinq ans à Harvard en tant qu’enseignant-chercheur. Sa chaîne YouTube compte 875 000 abonnés et totalise 40 millions de visionnages.
C’est en mai 2016 que Jordan Peterson se retrouve au centre des projecteurs médiatiques. Un projet de loi visant à pénaliser, notamment, la discrimination des individus transgenres est alors introduit devant le Parlement canadien. Craignant une situation similaire à celle de l’Etat de New York où il est illégal de ne pas utiliser les pronoms dits de « genre neutre » (zie, xe, sie, ey, ve, tey, hir… plutôt que les classiques he ou she), il déclare publiquement refuser d’employer des termes qu’il considère comme « issus d’une idéologie d’extrême gauche postmoderniste et néomarxiste ». A l’heure où Facebook permet à un utilisateur de s’identifier parmi 52 nuances de genres (50 en plus de « homme » ou « femme »), le discours de Peterson irrite toute une frange de militantes féministes et le place au coeur de la cible des adeptes d’un politiquement correct tutoyant la censure. Une assistante de l’université canadienne Wilfrid Laurier manque de peu d’être sanctionnée par ses supérieurs pour avoir diffusé un extrait d’une de ses conférences pendant l’un de ses cours, tandis que certains comparent son discours à celui d’Hitler… Arrive, deux ans plus tard, cette interview de Channel 4. Pendant les vingt premières minutes, la journaliste Cathy Newman tente, sans succès, de tordre et de déformer les propos de Peterson pour lui faire dire ce qu’il n’a jamais dit. Cette succession d’attaques violentes à l’encontre de son invité n’a qu’un but : tenter de faire passer Peterson pour un parangon de l’inégalité entre les hommes et les femmes et l’ennemi absolu des minorités oppressées. Tout cela pour avoir écrit un livre proposant aux « jeunes hommes » une série de règles pour charpenter leur personnalité face aux mutations brutales du monde moderne, les invitant à prendre leur destin en main et à lutter contre l’infantilisation et la culpabilité permanente dont ils souffrent – ce qui, dans une époque où certaines franges idéologiques issues des campus d’Amérique du Nord estiment qu’un « homme blanc hétérosexuel » appartient de facto à une catégorie d’oppresseurs, ne peut que faire scandale.
Car, finalement, la résonance du cas de Jordan Peterson dans le monde anglo-saxon ne trouve pas tant sa source dans le bon fondement – ou non – de ses arguments. Elle provient de l’incapacité systématique des nouveaux idéologistes de gauche représentés par les Social Justice Warriors et les néoféministes américains à établir un dialogue constructif, ou ne serait-ce qu’un débat honnête, avec leurs détracteurs. Une polémique moderne dont cette interview est devenue l’incarnation. Et Jordan Peterson, l’un de ses champions. VINCENT JOLLY
Lutter contre l’idéologie néomarxiste