L’affiche/Les passe-temps d’Eric Neuhoff
Aujourd’hui, tout le monde ou presque peut prendre un bon cliché – il suffit d’ouvrir Instagram pour s’en apercevoir. Mais réussir à créer une vraie photographie, celle qui attire l’oeil, capture le regard et interpelle nos consciences reste l’apanage d’une poignée de photographes. Guillaume Herbaut est l’un d’eux. « Pour mémoire », la rétrospective de son travail que lui consacre La Grande Arche du Photojournalisme de la Défense *, permet de redécouvrir en
200 tirages quelques-uns des reportages que ce contributeur régulier des pages du Figaro Magazine a produit au cours de sa carrière. De la zone interdite de Tchernobyl jusqu’à Ciudad Juárez, son objectif possède cette qualité qu’on croyait propre à la plume : raconter une histoire. Loin des lignes de front médiatisées et de l’assourdissant tumulte de l’immédiateté de l’actualité, il parvient – grâce à son écriture photographique si particulière – à construire un récit. Celui de lieux écorchés et oubliés ; là où d’autres ne verraient que ruines et décombres, Guillaume Herbaut, lui, perçoit et immortalise les spectres de l’Histoire.
VINCENT JOLLY * Jusqu’au 13 mai.
STUPEUR ET SIFFLEMENTS
Connaissez-vous la musique sifflée ? Savez-vous que les plus grands, de Mozart à Chopin en passant par Schubert mais aussi Ennio Morricone, John Lennon, Michel Legrand ou Vladimir Cosma, ont écrit des morceaux « pour glotte seule ». Vous en doutez ? Rendez-vous dare-dare au Grand Point Virgule (Paris XVe) où un homme bien habillé (noeud papillon et queue-de-pie) vous en fera la démonstration. Historique, musicale, théâtrale, magistrale : sa leçon aux trois quarts sifflée (et parfois interactive…) est aussi merveilleuse et drôle à entendre que convaincante. Entrecoupant ses miniconcert(o)s de remarques et de réflexions bien senties sur la société française et ceux qui la font (nous !), Fred Radix n’est pas que Le Siffleur : il est l’Enchanteur.
JEAN-CHRISTOPHE BUISSON
OSCAR
OR NOT OSCAR ?
Actrice vedette de Lady Bird, Saoirse Ronan figure parmi les favorites des oscars 2018. L’actrice irlandoaméricaine de 23 ans, déjà récompensée par un Golden Globe pour son interprétation tout en finesse d’une jeune Californienne en rébellion, mériterait largement cette récompense. Car, sous la direction de Greta Gerwig, elle y apparaît époustouflante sur tous les plans. Et celle dont la carrière est déjà bien remplie – Reviens-moi, de Joe Wright, Brooklyn, de John Crowley – a un bel avenir devant elle. Les réalisateurs se l’arrachent, à l’image de Michael Mayer qui lui a confié le premier rôle de
son film The Seagull, d’après La Mouette, de Tchekhov. Primée ou non ce dimanche à Los Angeles, elle a définitivement pris son envol.
PIERRE DE BOISHUE
FEUX ROUGES
Il n’a pas 30 ans et sa fille de 3 ans a perdu sa mère, morte d’un cancer à sa naissance ; elle a 91 ans et a perdu mari et fille dans sa traversée du siècle rouge. Voisins de palier d’un immeuble de Minsk, ils vont apprendre à se connaître et à se comprendre dans un dialogue souvent imprévisible. Signé Sacha Filipenko, Croix rouges * est un roman éblouissant qui creuse au plus profond de l’âme humaine, comme seuls les grands auteurs russes savent le faire. On pense un peu à Dostoïevski (culpabilité, quête de Dieu et/ou de rédemption) et beaucoup à Axionov et Alexievitch dans cet art de décrire l’emprise de la terreur dans la vie quotidienne en URSS.
Et la permanence de son souvenir… J.-CH. B. * Editions des Syrtes, 220 p., 15 €. En librairie le 8 mars.
LES AMOURETTES SUÉDOISES
Les ruptures amoureuses ont parfois du bon. Grâce à l’une d’elles, vécue par la cadette des soeurs Söderberg, le duo suédois First Aid Kit a retrouvé une nouvelle inspiration. Le résultat ? Un quatrième album, intitulé Ruins *, qui sonne aux oreilles comme un petit bijou folk. Tout est gracieux sur ce disque où les voix de Klara et de Johanna, respectivement âgées de 24 et 27 ans, se marient parfaitement sur des chansons mélancoliques et élégantes, loin des modes. On sent chez les natives de Stockholm une envie de proposer une musique pure, de faire partager leur univers un peu mystérieux et d’un autre âge… Leur charme opère tout autant sur scène. Rendez-vous le 5 mars à La Cigale, à Paris, où l’on constatera que leur idylle avec le public français est fort sérieuse.
* Columbia