Le bloc-notes de Philippe Bouvard
Les historiens de la presse écrite noteront qu’à partir du XXIe siècle elle a perdu des lecteurs et gagné des rubriques. Un phénomène qu’atteste Laurent Wauquiez, dernier venu des politiciens disant pis que pendre de tout le monde afin d’authentifier sa rupture avec la République des petits copains. Aux pages traditionnellement consacrées aux spectacles ou aux sports se sont ajoutées en effet des méchancetés réputées gratuites même si elles peuvent coûter cher. Par exemple, les maires des grandes villes n’embellissent leur cité qu’en augmentant sans cesse les impôts pour le plus grand profit des entrepreneurs de travaux (justement dénommés publics), renvoyant l’ascenseur en édifiant des immeubles sociaux qui en sont dépourvus. Les plus vigilants responsables s’enquièrent du bien-être amoureux de leurs administrés en accordant aux femmes seules des logements dont elles acceptent de partager de temps à autre le lit. Les autres turpitudes sexuelles sont constituées par des harcèlements à pieds nus de dessous de table, par des chatouillis de membres inférieurs et par des sorties de douche sans peignoir. Le nombre de viols commis par des personnes ayant autorité garantit l’efficacité de la hiérarchie alors que la pédophilie s’observe dans l’encadrement spécialisé beaucoup plus que dans les maisons de retraite. Depuis qu’un ancien ministre, que les adversaires de la déforestation estiment plus écologique de désigner par ses initiales, a accumulé les non-lieux pour avoir ignoré de bonne foi que les prostituées se faisaient payer et s’être remarié une quatrième fois avec une chargée des contacts humains - ça ne s’invente pas -, les producteurs américains ont pris la relève qui, pour sonder les reins à défaut des coeurs, ont collectionné autant de petites culottes que la secrétaire du plus joli garçon de nos petits écrans en trouve chaque matin dans le courrier de son patron. Merci M. Weinstein !
Ces rapports brutaux ayant très souvent endommagé la mémoire au point de différer de plusieurs décennies la première plainte ont compromis les relations entre les deux principaux sexes. A telle enseigne qu’un homme désireux de prouver sa flamme encourt les sanctions d’un pyromane et que les pères adoptifs déshéritent leurs enfants biologiques lorsque leur dernière épouse est moins âgée que ceux-ci. C’est dire si le nouveau président du parti républicain, qui se prétend légataire universel de Nicolas Sarkozy sans être capable de produire un testament, a raison d’accuser les journalistes de multiplier les fausses nouvelles en les rappelant à chaque démenti. Sans ces magazines pour lesquels la reproduction de l’espèce n’est qu’un simulacre tant qu’il n’y a pas de photos de grossesse, saurait-on que les ministres, aussi portés sur le sexe que les bonobos, sont également victimes des peaux de banane et que la suprématie de l’oral du bac de 2021 n’empêche pas les futures jeunes veuves d’imposer des pages d’écriture à leur vieux mari ? Merci Laeticia ! Derrière chaque turpitude révélée ou inventée se profilent une publication ou une chaîne désireuses de ne pas perdre une occasion de défendre une morale qui rabaisse les caquets en faisant monter les chiffres d’affaires. Trop sollicités pour étancher toutes les soifs d’hémoglobine, les serial killers laissent les serial papers mettre en vedette de petits malfrats pour des crimes déjà prescrits. Faute de nouvelles affaires, il est possible d’exhumer un assassinat perpétré sous le premier septennat de Mitterrand à seule fin de provoquer le suicide d’un magistrat retraité. Laurent Wauquiez a mis le doigt là où ça fait de plus en plus mal. Car la disparition des privilèges qu’on votera sans doute dans la nuit du 4 août prochain s’annonce meurtrière si le spécialiste du transport aérien chargé de transformer la SNCF n’offre pas des uniformes galonnés et des salaires de commandant de bord aux cheminots dont la descendance et l’ascendance seraient brutalement privées de billets gratuits. Pourquoi ne pas aiguiller plutôt un amiral vers cet épineux dossier ? De miniferry-boats prendraient sur les canaux la succession des petites lignes déficitaires. Ainsi, le réseau s’agrandirait-il à chaque inondation. A moins que, pour calmer la juste colère des contrôleurs du TGV qu’une torche lumineuse convertit en ouvreuses de cinéma, on ne leur concède le droit de revendre aux passagers les cachemires et les parfums, dons de leur employeur. Merci Philippe Martinez ! Parallèlement, les gazettes lassées de devoir relater des escroqueries peu variées s’honoreraient en lançant des concours de fraude fiscale où des contribuables chenus se déguiseraient en nouveau-nés pour toucher la prime de naissance. Merci Cahuzac ! Pour soulager un peu Laurent Wauquiez, qui ne peut pas à lui tout seul dynamiter la société française, on ferait appel au major de l’ENA de ce millésime afin d’organiser la double robotisation de la fonction publique : métallique pour les municipalités ; gonflable pour les territoires. L’Etat ferait cadeau d’une intelligence artificielle à tous les dixièmes enfants des familles nombreuses tandis qu’on inscrirait solennellement au patrimoine immatériel de l’Unesco les sauces béarnaise, gribiche et ravigote.
Les ministres, aussi portés sur le sexe que les bonobos, sont également victimes des peaux de banane